La plage s’étendait en une large bande de sable mêlée de galets, bordée par une mer aux vagues lentes et régulières. L’eau, d’un bleu profond, semblait presque immobile à l’horizon, mais se heurtait en écume blanche contre les rochers épars proches du rivage. à l’ouest, la rivière serpentait tranquillement avant de se jeter dans la mer, formant un estuaire bordé de quelques roseaux et de petites mares stagnantes. Plus loin, une falaise imposante dominait la c?te, son sommet abritant la Source, invisible depuis la plage mais omniprésente dans les pensées des Survivants. Vers l’est, la c?te s’abaissait progressivement, laissant entrevoir des collines ondoyantes qui semblaient se fondre dans l’horizon.
Après un déjeuner frugal, les Survivants commencèrent à se presser vers la plage, suivant à la lettre les ordres transmis par Imre de la part d’Alan. Ils restèrent loin du rivage, se regroupant en petits cercles dispersés, leurs silhouettes projetées par la lumière de l’après-midi. Des murmures parcouraient les rangs :
? Pourquoi ne peut-on pas s’approcher plus de l’eau ? ? demanda une femme d’une voix inquiète.
? C’est Alan. Il doit avoir ses raisons, ? répondit un homme avec confiance.
D’autres échangeaient des regards préoccupés en observant les piles de bagages :
? Ils nous demandent de tout réduire au minimum. Comment vais-je faire ? J’ai déjà laissé tant de choses derrière moi, ? murmura une jeune femme.
? Si Alan dit qu’il faut voyager léger, je le crois, ? intervint quelqu'un, son ton trahissant une foi inébranlable.
L’atmosphère était un mélange d’interrogations et d’anticipation. Certains se questionnaient tout haut, d’autres préféraient observer en silence, scrutant la mer comme si elle recelait des réponses cachées. Les vagues, constantes et apaisantes, semblaient vouloir adoucir les inquiétudes, mais le doute restait palpable.
Imre, circulant parmi les groupes, tentait de maintenir l’ordre : ? Rassemblez-vous. Pas de dispersion inutile. Les bagages lourds ralentiront tout le monde. Suivez les consignes. ?
Des regards furtifs se tournaient vers la falaise, comme si la Source pouvait encore leur apporter un dernier signe. Mais pour l’heure, tous les espoirs reposaient sur Alan, et l’attente, teintée d’impatience et de nervosité, grandissait à mesure que le soleil descendait lentement vers l’horizon.
Alan pénétra sur la plage, Jennel à ses c?tés, et rejoignit Imre. Quelqu’un osa timidement taper dans ses mains, un applaudissement solitaire qui se transforma rapidement en une clameur croissante. Les applaudissements s’intensifièrent, envahissant l’air. Jennel suivit le mouvement, joignant ses mains en un geste de soutien. Imre, bien qu’un peu réticent, finit par applaudir également. Alan, visiblement surpris, remercia de la tête l’ensemble de la foule, un léger sourire au coin des lèvres.
Se retournant vers Jennel et Imre, il murmura :
? C’est parti. ?
Il glissa la main dans sa poche et caressa un objet qu’il semblait y dissimuler.
Soudain, la mer commen?a à s’agiter devant eux. Une surface qui était jusque-là calme se mit à bouillonner, des remous de plus en plus violents apparaissant à un endroit précis. Les murmures de la foule cédèrent la place à un silence nerveux. Le bouillonnement s’intensifia, et la mer sembla littéralement se soulever. Une masse sombre et imposante émergea progressivement, son éclat métallique reflétant les derniers rayons du soleil. La structure, immense et effrayante, plana au-dessus de l’eau avant de glisser lentement vers la plage, se stabilisant à quelques mètres d’Alan.
Deux autres manifestations identiques se produisirent de chaque c?té de la première. Les masses sortirent de l’eau avec la même majesté impressionnante, avant de rejoindre leur position, l’une à droite et l’autre à gauche. Elles se fixèrent immobiles au-dessus du sable, à égale distance d’Alan, dans un silence total.
La foule resta tétanisée. Des exclamations étouffées fusèrent :
? Qu’est-ce que c’est ? ?
? C’est dangereux ! ?
Imre lui-même recula de plusieurs pas, les yeux fixés sur les masses étranges. Les visages montraient de la peur, de l’incompréhension. Certains cherchaient à se cacher derrière leurs camarades, d’autres regardaient Alan avec une expression presque accusatrice.
Seule Jennel, le visage déterminé et confiant, fit deux pas en avant pour se tenir à droite d’Alan. Il tourna la tête vers elle, fier de l’avoir à ses c?tés.
? J’en avais assez de jouer les boyscouts. J’ai appelé des taxis, ? dit-il avec un sourire ironique.
? Je suppose que ce n’est que le début, ? répondit Jennel sans ciller.
Alan fit une mimique affirmative, en regardant les structures devant eux.
Il se retourna vers la foule avec un sourire qu’il s’effor?a de rendre le plus rassurant possible. D’une voix forte, il cria en détachant les mots :
? Aucun danger. Ce ne sont que des navettes de transport. Approchez. Elles vont vous conduire en lieu s?r. ?
Les réactions furent variées. Certains restèrent figés, hésitant à faire un pas, tandis que d’autres murmurèrent entre eux :
? Des navettes ? Comment peut-il en être s?r ? ?
? Il faut lui faire confiance. Il a toujours su ce qu’il faisait. ?
Un homme osa demander : ? Qui contr?le ces engins ? ?
Alan répondit calmement, mais fermement : ? Moi. ?
Cette réponse suscita un mélange de soulagement et de scepticisme dans l’assistance.
Puis Alan se tourna vers Jennel et lui demanda d’aider à regrouper Bob, Maria-Luisa, Johnny, Yael, et Arman. Une fois réunis, ils rejoignirent Imre, qui observait toujours les navettes avec prudence.
Alan fixa Imre et lui demanda : ? As-tu suffisamment confiance en Arman pour qu’il gère ton absence pendant une heure ou deux ? ?
Imre acquies?a, bien que visiblement perplexe. Il donna alors ses instructions à Arman.
? Suivez-moi, ? lan?a Alan à son groupe avant de s’avancer vers l’une des navettes. Une large porte glissa sur le c?té, et l’engin reposa délicatement sur le sol.
Ils montèrent à bord, découvrant une salle vide avec six sièges frontaux. Alan, après un rapide coup d’?il, s’excusa : ? Désolé, il manque une place. ?
Sans hésiter, Bob se dévoua avec un sourire : ? Je m’assoirai par terre, près de Yael. ?
Subitement, toutes les parois latérales devinrent transparentes, offrant une vue imprenable sur la plage et la mer. De fins faisceaux lumineux jaillirent du sol devant Alan, formant une interface complexe. Il observa les faisceaux, en coupa certains avec assurance, et, presque instantanément, la plage sembla se dérober sous leurs pieds.
La navette s’éleva avec une fluidité déconcertante avant de s’élancer à très grande vitesse vers un but précis. Dehors, la plage et les collines s’éloignaient rapidement, laissant les passagers à la fois fascinés et déconcertés par la technologie qu’ils découvraient.
Les passagers ne purent plus retenir leurs questions.
Alan finit par éclater de rire et leur dit : ? Je vais résumer. C’est une navette de transport atmosphérique capable de s’aventurer brièvement dans l’espace, propulsée par des projecteurs antigravitationnels, de technologie Gull simplifiée. Elle est en pilotage automatique et nous emmène sur une des sept bases préfabriquées posées généreusement par ces mêmes Gulls un peu partout sur la planète.
Si nous volons un peu bas, c’est voulu. Vous comprendrez assez vite. ?
Ils l’écoutèrent en silence, absorbant du mieux qu’ils pouvaient les informations. Enfin, Jennel demanda : ? Comment tu sais tout ?a ? ?
Il se tourna vers elle avec un sourire amusé : ? Par hypno-enseignement. ?
Elle haussa les sourcils, intriguée : ? C’est pratique ? ?
? Impressionnant même, ? répondit-il en hochant la tête.
? On pourra y accéder ? ? insista-t-elle, son regard brillant d’intérêt.
? Si vous le désirez. C’est d’ailleurs pour cela que vous êtes là, ? conclut Alan avec un sourire énigmatique.
Alan ajouta avec assurance : ? Une navette peut transporter vingt personnes avec des bagages raisonnables, dix ici où nous sommes, et dix dans une soute à l’arrière. Cela fait soixante personnes par trajet aller-retour des trois navettes. Huit trajets en se serrant un peu suffiront. Les armes, elles, pourront être récupérées un peu plus tard. ?
Une question émergea de la curiosité générale :
? Peut-on contacter les autres bases dont tu parles ? ?
Alan esquissa un sourire mystérieux avant de répondre : ? Tout le problème est là. ? Il n’en dit pas davantage, laissant planer une ombre d’interrogation parmi les passagers.
? Nous arrivons, ? annon?a Alan soudainement. Le vol avait duré moins de cinq minutes.
Devant eux, un paysage de montagne s’étendit, imposant et désolé. Les sommets déchiquetés se dressaient comme des géants endormis, tandis que les forêts environnantes, br?lées par les nanites, formaient un spectacle lugubre. Malgré ce désastre, la grandeur du lieu restait frappante : des parois rocheuses abruptes encadraient la vue, et des cimes enneigées scintillaient encore sous le soleil, reflétant une lueur d’espoir au milieu de la désolation.
à l’horizon, un cirque de montagne se dessinait avec majesté, ses contours nets semblant défier l’usure du temps. Alors que la navette s’en approchait, un bref éclair jaillit, et le paysage changea instantanément. Le cirque disparu, laissant place à un vaste alpage en pente douce, dont l’herbe verdoyante semblait irréelle dans ce contexte de désolation.
Sur cet alpage, une structure massive dominait le paysage. Une Base pyramidale, apparemment faite de marbre blanc, se tenait fièrement. Sur ses flancs, des lueurs orangées pulsaient doucement. La Base comprenait plusieurs étages de batiments, chacun orné de baies donnant sur la montagne. En son centre, une tour élancée s’élevait plus haut que le reste, semblant percer le ciel.
Sur chaque étage des jardins verdoyants s’étendaient, contraste saisissant avec les forêts mortes au loin. Autour de la Base, des sentiers sinueux invitaient à la promenade. Des bosquets d’arbres verts, miraculeusement épargnés, entouraient la ville. Au premier étage, des aires d’atterrissage jonchées de lumières discrètes indiquaient leur vocation.
L’ensemble dégageait une harmonie étrange, à mi-chemin entre technologie avancée et sanctuaire préservé.
Alan se retourna vers ses compagnons tandis que la navette se posait avec une fluidité parfaite sur l’aire d’atterrissage. Les regards interrogateurs fixés sur lui l’obligèrent à reprendre la parole.
? Je vais vous expliquer brièvement. Mon voyage m’a conduit jusqu’au désert du Turkménistan, où j’ai eu un contact étrange. Une présence qui m’a mis cette navette à disposition, me permettant de revenir ici en pilotage automatique.
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Je ne pense pas que ce contact était Gull. Je crois qu’une autre puissance interagit avec eux, et cela pourrait être une opportunité intéressante pour nous. ?
Ses paroles laissèrent un silence pesant parmi ses compagnons, absorbés par l’ampleur de ces révélations. Alan continua :
? J’ai passé deux jours ici, à découvrir la Base et à apprendre les fonctions essentielles de cet endroit. Je vais vous guider. ?
La porte de la navette glissa doucement pour révéler une allée suspendue. Ils avancèrent, fascinés par la vue en contrebas : l’entrée monumentale du rez-de-chaussée. Une immense place bordée de gradins semblaient inviter à des rassemblements d’une échelle bien plus grande que celle des Survivants. Au centre, une allée principale menait à une grande porte donnant sur la tour principale, à l’architecture élégante et imposante.
Les environs étaient parsemés d’emplacements végétalisés, où prospéraient des plantes aux formes inconnues. Certaines étaient à tiges translucides, d’autres à feuilles luminescentes, émettant une douce phosphorescence sous la lumière ambiante. Des fleurs d’un bleu éclatant ou d’un rouge profond parsemaient les jardins, semblant respirer à leur propre rythme. Les allées secondaires conduisaient à d’innombrables entrées dans les étages habitables, dont les baies offraient une vue imprenable sur les montagnes environnantes.
Les visiteurs s’arrêtaient à chaque pas, muets de stupéfaction, absorbés par ce spectacle alliant nature et technologie. Alan les observa un instant avant de se tourner vers eux et de dire d’une voix forte :
? Léa, peux-tu te présenter et indiquer à mes amis le nombre d’appartements disponibles, ainsi que la nature de ces plantes ? ?
Une voix féminine, douce et polie, sembla surgir de nulle part :
? Je suis Léa, l’Intelligence Artificielle de cette Base.
Ce site dispose d’un millier de logements modulaires, pouvant être connectés ou isolés selon les besoins de leurs occupants.
Ces plantes sont toutes d’origine extraterrestre, adaptées pour prospérer dans un environnement compatible avec celui de la Terre. Elles contribuent à maintenir un écosystème stable autour de la Base. ?
Les Survivants, fascinés, échangèrent des regards d’émerveillement et de perplexité, encore incrédules devant l’ampleur de ce qu’ils découvraient.
Imre regarda Alan, le regard interrogateur :
? Cette voix était bien dans ma tête ? ?
Alan se rendit compte de son oubli :
? J’aurais d? vous avertir du principe des communications à distance. Vous connaissez tous les avantages des échanges linguistiques par nanites, quoique qu’il faille un peu d’entrainement pour se concentrer efficacement sur la traduction interne inter-cérébrale. Le principe reste globalement le même lors d’un contact à distance : les objets émetteurs et récepteurs communiquent dans un langage type nanite, et donc vous ne recevez que la traduction interne sans entendre le message vocal. Avec toutes les nuances tonales conservées. ?
Ils rejoignirent ensuite l'allée principale et pénétrèrent dans le hall de la tour centrale. Le lieu était à la fois majestueux et apaisant, avec des bancs et des parterres de plantes luxuriantes qui faisaient du hall une sorte de jardin pour la méditation. Un escalier large et imposant menait à l'étage supérieur. Tandis qu'ils montaient, abasourdis par toutes ces nouveautés, Jennel glissa une main glacée dans celle d'Alan.
? Cela fait beaucoup, je le sais, ? dit-il autant pour Jennel que pour les autres, cherchant à les rassurer.
Arrivés à l'étage, ils découvrirent des sortes de caissons verticaux alignés contre un mur, étranges et intrigants, mais leur attention fut attirée par une grande pièce rectangulaire attenante. En entrant, ils furent frappés par les murs, qui étaient à l'image des parois de la navette : une représentation à 360 degrés de la Base et de son environnement.
Sur l'une des faces de la pièce, des complexes de faisceaux lumineux, semblables à ceux qu'ils avaient aper?us dans la navette, étaient discrètement visibles. Mais ce fut l'objet au centre qui attira tous les regards : un étrange d?me qui pulsait lentement, émettant une lueur douce et régulière.
Ils parcoururent le lieu, fascinés par la vue immersive qui les entourait. Jennel, plus curieuse que les autres, s'approcha du d?me. Sa main glissa doucement sur sa surface lisse et tiède. En dessous, elle distingua une tige fine sur laquelle était enfilé un anneau étrange qui semblait ne pas être tout à fait matériel, oscillant entre transparence et solidité.
Elle jeta un regard interrogateur à Alan, cherchant des réponses à cette nouvelle énigme.
Alan la rejoignit et, lentement, passa sa main droite à travers le d?me. Jennel poussa une exclamation de surprise qui attira les autres. Les yeux écarquillés, elle vit un anneau se matérialiser autour du majeur d’Alan tandis que l’image sur la tige s’effa?ait.
? Le véritable anneau est à mon doigt, mais il est invisible et immatériel en dehors du d?me, parfaitement matériel dedans. Regardez. ? Il joignit le geste à la parole, retirant lentement sa main du d?me. Immédiatement, l’anneau disparut de son doigt et réapparut sur la tige. ? Je peux l’enlever de mon doigt à l’intérieur, et le d?me n’est franchissable que par un élu… bien que je n’aime pas le terme. ?
Il s’interrompit, refit plusieurs fois la man?uvre pour bien leur montrer, avant de demander :
? Léa, à quoi sert cet anneau ? ?
? à commander la Base, ? répondit la voix féminine avec une précision neutre.
Alan se tourna alors vers Imre, le regard grave : ? Il y a trois niveaux de sécurité dans la Base. Par défaut, le niveau le plus bas est 3. Le v?tre est actuellement 2. Il pourra être élevé à 1 selon les fonctions que vous occuperez. ?
Bob, sceptique, croisa les bras et demanda : ? Ce système a été mis en place par les Gulls ? ?
Alan esquissa un sourire avant de répondre : ? Non, c’est moi qui l’ai activé. ?
Bob continua, l'air toujours sceptique : ? Tu contr?les tout ici ? ?
? Pas mal de choses, mais pas tout, ? admit Alan.
Maria-Luisa posa alors une question cruciale, son regard plein de curiosité :
? Et les nanites n'attaquent pas cette Base ? ?
Alan prit une inspiration avant d'expliquer : ? Les nanites à l'emplacement de la Base ont été détruits par les Gulls, et un champ répulsif maintient les autres à distance. ?
Maria-Luisa fron?a les sourcils : ? Et nous ? ?
Alan répondit calmement : ? Nos nanites sont individualisés depuis la Vague, et ne sont pas concernés. ?
Il y eut un moment de réflexion silencieuse parmi le groupe, chacun absorbant l’étendue des informations. Finalement, Jennel, intriguée, tenta : ? Léa, peut-on communiquer avec les autres Bases ? ?
La voix douce de l’IA répondit sans tarder : ? On le peut. ?
Jennel poursuivit aussit?t : ? Pourquoi ne le fait-on pas ? ?
Léa sembla marquer une pause avant d’ajouter : ? Pour des raisons de sécurité. ?
Jennel, frustrée, insista : ? Lesquelles ? ?
La réponse de Léa tomba comme une sentence : ? Je suis désolée, votre niveau de sécurité est insuffisant. ?
Alan observa l’échange avec une certaine fierté, admirant l’initiative et la curiosité de Jennel.
? C’est un sujet sensible à aborder collectivement demain, ? dit Alan en esquissant un sourire, mais il fut aussit?t fusillé du regard par Jennel.
Alan poursuivit en expliquant calmement :
? Il est absolument nécessaire que vous appreniez les bases du fonctionnement de la cité et sachiez piloter les navettes, car la migration des Survivants doit se faire rapidement. Il faudra aussi les répartir et leur enseigner les taches ménagères automatisées. Ces dernières sont très performantes, mais encore faut-il les comprendre. Demain, nous irons plus loin dans l’éducation de tous à la vie dans la Base et commencerons à distribuer des r?les particuliers. ?
Alan les mena alors dans le couloir, devant les caissons verticaux d’hypno-enseignement. En les voyant, des expressions d’inquiétude se dessinèrent sur les visages de ses compagnons.
Johnny fut le premier à exprimer ses doutes :
? C’est s?r, ce truc ne va pas me rendre dingue ? ?
Alan secoua la tête avec un sourire rassurant :
? Non, rien de tel. Vous ne sentirez rien du tout. Je suis passé par là pendant près de huit heures, et je vais très bien. Pour vous, ce sera bien plus court : à peine une heure. ?
Maria-Luisa croisa les bras, visiblement peu convaincue : ? Et si on ne comprend pas tout ? ?
Alan lui répondit calmement :
? Vous comprendrez tout. C’est un processus adaptatif qui s’ajuste à votre niveau de connaissance. Vous en sortirez avec des bases solides. ?
Bob haussa un sourcil et demanda : ? Et si je n’aime pas ce qu’on m’apprend ? ?
Alan esquissa un sourire amusé : ? Alors on en discutera après. Mais je doute que ce soit le cas. ?
Un à un, les compagnons s’approchèrent des caissons, leurs gestes prudents trahissant leur appréhension. Johnny, après un soupir exagéré, fut le premier à entrer :
? Bon, allons-y ! Si je deviens plus malin que vous tous, ne m’en voulez pas. ?
Maria-Luisa le suivit, bien qu’avec une certaine réticence. ? Ce truc a intérêt à tenir ses promesses... ? murmura-t-elle.
Les autres entrèrent progressivement, l’un après l’autre, jusqu’à ce que seule Jennel reste en retrait. Alan posa doucement une main sur son épaule et murmura : ? Reste un moment avec moi. Je voudrais te parler. ?
Une fois les caissons refermés, Alan guida Jennel dans la salle attenante. D’une voix ferme mais calme, il s’adressa à l’IA : ? Léa, la personne près de moi est Jennel. Son accréditation passe au niveau 1. ?
? Jennel est au niveau 1, ? confirma la voix douce de Léa.
Alan se tourna vers Jennel et lui dit doucement : ? Pose de nouveau la question sans réponse. ?
Jennel hocha la tête et demanda : ? Léa, quels sont les problèmes de sécurité liés aux autres Bases ? ?
Léa répondit sans hésitation : ? Elles sont potentiellement ennemies. ?
Jennel tourna vers Alan un regard stupéfait, la bouche légèrement entrouverte. Elle murmura : ? Mais pourquoi ? ?
Alan respira profondément avant d’expliquer : ? Les Gulls ont disposé sept Bases à peu près équitablement réparties sur la Terre. Ces Bases sont destinées à accueillir les groupes d’humains qui auront suivi des élus. Mais les Gulls n’en souhaitent pas sept. Ils n’en veulent qu’une seule : celle qui aura conquis toutes les autres. ?
Jennel le fixa, abasourdie : ? Pourquoi jouer leur jeu ? ?
Alan serra les dents avant de répondre : ? Parce que le champ de répulsion anti-nanites autour de cette Base réduit progressivement son rayon d’action. Il aura disparu dans environ treize mois. Sans ce champ, la survie ici sera vite impossible car il n’est pas certain que le Base soit toujours active et les navettes fonctionnelles. ?
Jennel, d’habitude si forte, sembla vaciller sous le poids de ces révélations. Elle posa une main tremblante sur le bras d’Alan et murmura : ? Alors notre problème n’est pas résolu… Nous sommes dans une situation impossible… ?
Alan hocha lentement la tête, la mine grave. Jennel, une bouffée de désespoir dans la voix, demanda : ? Alors… que devons-nous faire ? ?
Alan planta son regard dans le sien et répondit, sa voix empreinte d’une détermination froide : ? Conquérir la planète. ?
Jennel ouvrit la bouche pour parler, mais seul un murmure incrédule s’en échappa : ? Conqu… ? Elle ne put terminer la phrase. Elle secoua la tête, les yeux écarquillés, et finit par lacher : ? Tu plaisantes ? ?
Alan soupira légèrement avant de répondre :
? Il y a divers moyens d’atteindre ce but, et ils ne sont pas tous militaires. Rassure-toi, je ne vais pas faire la guerre. ?
Jennel le regarda avec un mélange d’inquiétude et de confiance. Elle finit par demander, la voix hésitante : ? Mais… qu’est-ce qui arrive quand une Base remporte la victoire ? ?
Alan baissa la voix, son ton devenant presque sombre : ? Les Survivants des autres Bases attendent la mort, et les victorieux ont accès au vaisseau en orbite. ?
Jennel porta une main tremblante à sa bouche. ? C’est ignoble, ? murmura-t-elle, les larmes montant à ses yeux.
Alan hocha lentement la tête. ? Oui. Les Gulls sont des créatures ignobles. ?
Il la prit doucement dans ses bras, sentant son corps trembler légèrement contre le sien. ? Leurs plans et leurs règles sont appliqués sur beaucoup d’autres planètes. Mais il y a une chose importante à savoir : une puissance étrangère aux Gulls conna?t ces règles et leurs failles. Cette puissance est censée être discrète et non interventionniste, mais elle glisse parfois des imperfections dans les projets des Gulls. ?
Jennel releva la tête, les sourcils froncés. ? Comme quoi ? ?
Alan lui répondit doucement, presque en murmurant : ? Si une navette est venue me chercher en Asie, c’est parce qu’ils l’ont piratée. Et si j’ai des connaissances que je ne devrais pas avoir, c’est encore leur ?uvre. La logique Gull est faussée. ?
Il posa ses mains sur les épaules de Jennel et planta son regard dans le sien. ? écoute-moi attentivement. Tout cela ne sera pas dévoilé aux autres de la même manière qu’à toi. Je commencerai par les bonnes nouvelles... ?
JENNEL
Je suis désemparée, je devrais écrire désespérée mais ce n’est pas ce que je ressens. J’ai envie de me battre. Parce que nous avons un ennemi clairement identifié.
Comment Alan va-t-il s’y prendre pour annoncer tout ?a ?
Les navetttes reviennent les unes après les autres. Les Survivants pensent avoir gagné le paradis. Mais ils ont juste changé d’enfer.
Il règne une animation fébrile partout dans les quartiers d’habitation. Le premier souci est de faire fonctionner le synthétiseur de nourriture. J’ai eu une grosse inquiétude quant au résultat, mais c’est plut?t bon. Mais j’ignore quoi.
J’en reviens toujours à mon mari. Il fait beaucoup d’efforts pour para?tre insensible au doute. Devant moi.
Alors je fais semblant, comme lui.