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17 - Révolte

  Les montagnes des Rocheuses s’étendaient devant eux, immenses et silencieuses sous le ciel gris. Le froid s’infiltrait à travers leurs vêtements renforcés malgré les couches isolantes qu’ils portaient. Ingrid, András, Boris et Mehmet avan?aient prudemment, suivant d’anciens sentiers de randonnée à demi ensevelis sous la neige fra?che. Leurs pas laissaient des traces légères, aussit?t balayées par le vent glacial qui sifflait entre les crêtes.

  L’objectif était simple, mais périlleux : trouver le site d’Oluwale, où une navette ennemie pourrait être attirée sans éveiller trop de soup?ons. La vigilance n’était pas encore maximale, mais mieux valait éviter toute imprudence.

  Le paysage était un mélange de majesté et de désolation. Autour d’eux, les forêts autrefois denses étaient désormais réduites à des troncs secs et noircis par le temps et l’absence de vie. Les rivières gelaient partiellement sous le poids de l’hiver approchant, et les lacs reflétaient un ciel bas, annonciateur de tempête. à cette altitude, la neige s’accumulait dans les creux, rendant chaque pas plus incertain.

  Mehmet, en tête, leva la main et s’arrêta brusquement. Le groupe se figea immédiatement.

  ? Quelque chose ? ? souffla Ingrid.

  ? Non… juste une impression. On continue. ?

  Ils progressèrent encore une demi-heure, gravissant un sentier plus escarpé, là où la roche affleurait sous la poudreuse. C’est alors qu’un cri étouffé résonna derrière eux.

  ? András ! ?

  L’homme venait de dispara?tre dans la neige, avalé par une crevasse masquée sous une fine couche glacée. Seule sa main dépassait encore, agrippant le rebord.

  Boris et Mehmet se précipitèrent et l’attrapèrent avant qu’il ne glisse davantage. Ingrid se pencha et vit la profondeur béante sous lui.

  ? Accroche-toi, on te remonte. ?

  D’un effort combiné, ils réussirent à le hisser sur la corniche. Mais lorsqu’il posa le pied au sol, son visage se crispa.

  ? Ma cheville… ? Il grima?a, tentant de prendre appui.

  La norvégienne inspecta rapidement.

  ? Entorse. ?

  ? ?a va tenir. Pas le choix. ? Il serra les dents tandis que Mehmet serrait une bande autour de son articulation.

  ? On n’a pas le temps de faire demi-tour. On est trop près du but, ? ajouta Boris.

  Ils reprirent leur progression, plus lents, mais toujours aussi silencieux. Leurs yeux balayaient constamment les alentours, scrutant les falaises, écoutant les bruits du vent, cherchant la moindre trace de présence ennemie.

  Enfin, après une montée difficile, ils atteignirent une clairière surplombant légèrement un lac glacé. Ingrid scruta les lieux : c’était parfait. Une aire dégagée, protégée du vent, et de la place pour une navette.

  ? ?a pourrait fonctionner, ? murmura-t-elle, en pensant : ? Bravo Oluwale. ?

  Alan suivit la visite proposée par Achille, explorant les différents secteurs du vaisseau. Il observa d’abord le quartier de l’équipage, où chaque membre disposerait d’un slot identique à ceux de la Base. Rien d’inattendu, une organisation fonctionnelle et épurée, con?ue pour l’efficacité.

  Ils débouchèrent ensuite sur une vaste zone de rassemblement avec des gradins disposés en arc de cercle, rappelant la place centrale de la Base. Alan nota la disposition des sièges, la hauteur calculée des plateformes et la capacité d’accueil. Ce lieu serait le c?ur des échanges collectifs.

  Achille le mena ensuite vers un slot spécifique, plus vaste et mieux équipé. "Ce pourrait être le v?tre," précisa l’IA. Alan fron?a légèrement les sourcils.

  La discussion dériva alors sur le choix du commandant. Alan exprima clairement qu’il ne souhaitait pas vraiment assumer ce r?le.

  Achille répondit immédiatement, sa voix neutre mais précise :

  "Qui est venu dans le vaisseau ? Qui prend le risque de l’échec ? Qui possède le plus d’anneaux ? Qui dirige véritablement la man?uvre au sol avec sa présence ici ? Qui a su faire valoir l’intérêt d’un changement de modalités ?"

  Alan resta silencieux un instant. L’argumentation était implacable.

  Achille poursuivit :

  "S’il y a succès, il n’y a qu’un commandant possible."

  Alan prit acte de cette déclaration, mais ne répondit pas immédiatement.

  Ils poursuivirent la visite vers l’immense secteur des propulseurs hyper-spatiaux, puis les générateurs gravitationnels. Alan reconnut immédiatement la disposition des structures et la fonction de chaque section. Ce vaisseau était con?u avec une logique qu’il comprenait, un schéma qu’il connaissait instinctivement.

  Il posa alors quelques questions :

  "Quelles qualités sont demandées aux membres de l’équipage ?"

  Achille répondit sans détour :

  "Des qualités complémentaires pour réaliser un équipage équilibré."

  Alan fron?a légèrement les sourcils. "Dans quels buts ?"

  "Pour réaliser des équipages équilibrés," répéta Achille d’un ton factuel.

  Alan ne voulut pas para?tre trop curieux et demanda : "Combien d’équipages équilibrés ?"

  "Tout dépend des données de départ," répondit l’IA.

  Il marqua une pause avant de demander : "Le voyage dure combien de temps ?"

  "Trois de vos jours."

  Alan croisa les bras. "Quelle mission pour ces équipages ?"

  Achille ne laissa aucun doute planer dans sa réponse : "Données classifiées."

  Alan esquissa un sourire sans joie. Il s’y attendait.

  Mais une inquiétude plus profonde le rattrapa.

  "Je souhaite qu’après le départ du vaisseau, les Bases soient toutes activées sans champ d’invisibilité et de dispersion, mais avec un champ anti-nanites en fonction et figé."

  Achille répondit aussit?t :

  "Cela n’est pas conforme avec ma mission de stérilisation biologique."

  Alan inspira lentement.

  "Tu sais ce qu’est une négociation ?"

  "Pas de négociation possible."

  Alan arqua un sourcil.

  "étrange, puisque c’est ce que nous faisons depuis notre premier échange."

  Un bref silence s’installa avant qu’Achille ne réplique :

  "Il ne peut y avoir de possibilité de vie après mon départ."

  Alan ne lacha rien. "à terme."

  L’IA marqua une pause, puis reconnut :

  "Je ne possède pas de moyen de destruction immédiat."

  Alan s’enfon?a légèrement dans ses pensées, puis demanda d’une voix mesurée :

  "Donc le seul élément qui n’est pas réalisable dans ma demande concerne le maintien du champ anti-nanites ?"

  "Exact."

  "Et il doit dispara?tre à terme ?"

  "Confirmé."

  Alan croisa les bras.

  "Quelle est la durée maximale de ton expression ‘à terme’ ?"

  Achille répondit aussit?t :

  "Chaque Base a environ treize mois de champ actif, qui se réduit lentement."

  Alan réfléchit un instant avant de poser une question plus insidieuse :

  "Cette durée de treize mois est-elle imposée par les modalités de la Sélection ou par une décision Gull supérieure hiérarchiquement ?"

  "Par les modalités," répondit Achille.

  Alan esquissa un sourire.

  "Alors, pourquoi ne pas les changer en treize siècles ? Après tout, treize ans ou treize siècles, l’important est que cela finisse, n’est-ce pas ?"

  Achille marqua une pause.

  "C’est sans importance, car les Survivants ne peuvent plus se reproduire."

  "Pourquoi ferais-je ce changement ?" demanda l’IA.

  Alan prit une inspiration plus profonde et déclara calmement :

  "Parce que ce serait un ordre du Commandant, en conformité avec la mission."

  Un silence s’étira, tendu.

  Puis Achille conclut : "Nous attendrons donc l’issue favorable de la Sélection."

  Rocheuses Canadiennes, 15 h 20, Phase 2.

  Boris s’arracha à son paquetage, retirant tout équipement encombrant et ses armes, ne gardant que l’essentiel sous un nouveau parka rouge vif. Il frissonna malgré lui, le froid mordant s’insinuant sous les couches de vêtements techniques. La neige crissait sous ses pas alors qu’il avan?ait péniblement, enfon?ant parfois jusqu’aux genoux, vers le centre de l’alpage, à une centaine de mètres du lac gelé.

  Il s’arrêta, scrutant les alentours. Le vent soufflait en bourrasques irrégulières, soulevant des nuages de poudreuse qui voletaient autour de lui. L’air était chargé d’une tension électrique, comme si la montagne elle-même retenait son souffle. Boris inspira profondément et se prépara à l’action.

  Il se préparait à allumer un baton lumineux rouge, il lui suffirait de "craquer" les sticks en les pliant légèrement pour provoquer la réaction lumineuse par le mélange des deux liquides contenus dans les batons.

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  La navette se présenta à 15h27.

  Boris s’agita, allumant le baton. Le pilote ne pouvait pas l’ignorer. Il appela la Base en signalant le contact. Pas de réponse, puis la voix interne lui ordonna de récupérer la personne en difficulté. Il posa la navette et descendit pour le faire monter à bord.

  András reprit ses esprits après l’effort qui consistait à couper la communication inter-nanites entre la navette et la Base, puis à insuffler un message pirate à la place. Il en avait presque oublié la douleur de l’entorse.

  Sur l’alpage, Boris expliqua au pilote qu’il n’avait pas réellement besoin d’aide, que c’était juste un exercice pour tester l’efficacité de la patrouille. Il avait été désigné volontaire pour simuler un signal de détresse et voir à quelle vitesse une intervention serait déclenchée. D'un ton assuré, il affirma que tout cela était une simple routine de sécurité, un protocole imposé par les supérieurs.

  "On fait ?a régulièrement, tu comprends, pour garder les réflexes aff?tés. Tout ce que je peux te dire, c’est que ta réaction a été impeccable !"

  Il laissa échapper un rire détendu, espérant apaiser toute méfiance chez le pilote. "Mais franchement, mec, t’as pas de temps à perdre, il me semble que t’as d’autres priorités aujourd’hui !"

  Il lui conseilla de rentrer vite car il perdait du temps pour être à l’heure, alors qu’une personne l’attendait.

  Le pilote se demanda qui.

  Mais il pensa brusquement à sa compagne, il lui était s?rement arrivé quelque chose de grave. Et lui était là à perdre du temps. Il fallait qu’il finisse au plus vite son dernier tour. Il devait absolument arriver en avance, une dizaine de minutes au moins. Il se précipita dans la navette, décolla aussit?t et accéléra de manière inhabituelle.

  Ingrid se tenait la tête à deux mains aux prises avec une migraine atroce. Jamais plus elle ne ferait une chose pareille, un tel effort mental pour persuader le pilote. Mais cela semblait marcher.

  András tenait la fréquence de communication et bloquait les appels surpris de la Base. Le pilote n’y pensait pas, l’urgence tenaillait son esprit. Il repassa à grande vitesse après son dernier tour au-dessus du groupe à 15 h 44.

  Pour se poser à 15 h 49 et se précipiter hors de la navette devant ses collègues médusés.

  Mehmet activa le communicateur : trois bips en direction du vaisseau.

  Atlantique Nord, 15 h 30, Phase 3.

  Les six navettes progressaient à vitesse constante, alignées en formation dispersée au ras des flots glacés de l’Atlantique Nord. Trois provenaient de la Base turque, les trois autres de la Base de Comoé. Leur trajectoire les menait droit vers le Groenland, où elles devaient se regrouper avant de poursuivre leur route vers l’ouest.

  L’altitude fr?lait la limite du raisonnable. Les pilotes, concentrés, faisaient glisser leurs appareils entre les crêtes des vagues et les masses de glace dérivantes. L’invisibilité réduisait leur signature énergétique, mais ne les rendait pas indétectables aux radars à balayage large.

  Le Groenland apparut à l’horizon, immense masse blanche aux fjords déchiquetés. Les six navettes s’y retrouvèrent en un point précis, dessinant une formation d’attaque serrée avant de fondre vers le Canada. Elles survolèrent des crêtes enneigées, longeant les vallées encaissées où la brume stagnait.

  Au bout de plusieurs minutes de vol, elles approchèrent des Rocheuses canadiennes. à cinq minutes de l’objectif, un signal formé de trois bips retentit dans les navettes :

  Les champ de dispersion et d’invisibilité de la Base de Banff venaient de dispara?tre.

  L’effet de surprise était total.

  ? Engagement immédiat ! ? tonna Alan dans le canal de communication en provenance du vaisseau.

  15 h 50

  Les six navettes fondirent sur Banff, effectuant un unique passage. La Base, tapie entre les sommets enneigés, semblait paisible. Et les aires d’atterrissage contenaient les trois navettes alignées, parfaitement exposés.

  Les canons thermiques des attaquants s’activèrent.

  à chaque cible, deux navettes ouvraient le feu simultanément. Des lueurs incandescentes traversèrent l’air glacé, projetant des faisceaux br?lants sur les navettes au sol. Les premiers impacts pulvérisèrent le blindage extérieur d’un vaisseau, embrasant l’hydrogène encore présent dans les circuits énergétiques.

  Une explosion violente secoua la base, une première navette cible projetée en morceaux sur le sol.

  Le souffle des déflagrations fit trembler les baies vitrées de la tour centrale. Une deuxième salve frappa l’appareil voisin, déchiquetant sa structure et projetant une pluie de métal fondu dans l’aire d’atterrissage.

  La troisième cible tenta d’activer son bouclier défensif, mais les deux navettes assaillantes le transpercèrent d’une décharge concentrée. La coque du vaisseau vira au rouge, puis se fissura sous l’intensité du tir avant de s’effondrer dans un nuage de plasma en fusion.

  En moins de quinze secondes, trois vaisseaux ennemis avaient été réduits à l’état de carcasses fumantes.

  Les assaillants ne firent pas de deuxième passage.

  Dans une man?uvre parfaitement synchronisée, les six navettes virèrent au-delà des montagnes, s’évanouissant à l’horizon avant que la riposte ne puisse être organisée.

  L’attaque éclair venait de s’achever. Banff était désarmée.

  La voix sembla tomber du ciel comme un couperet, implacable, froide et indiscutable. Elle résonna dans les têtes des habitants de la Base de Banff, portée par l’IA désormais sous contr?le du vaisseau Gull en orbite.

  ? Ici le vaisseau Gull en orbite planétaire. Le comportement de votre Base est incompatible avec votre participation à la Sélection. ?

  La phrase, cinglante, figea un instant la foule dans un silence angoissé. Puis une vague de murmures monta, les survivants échangeant des regards terrifiés, certains pointant le ciel du doigt, d’autres cherchant désespérément un responsable.

  ? Votre attaque a gravement endommagé les fonctions premières de la Base asiatique, et ?té la vie à la totalité de la population de cette Base. ?

  Un cri s’éleva dans l’assemblée, aussit?t repris par d’autres. Certains réfugiés de Banff, déjà instables après les événements récents, se mirent à hurler, à protester. L’un d’eux lan?a une pierre au sol dans un geste de frustration.

  ? Vous n'avez pas respecté les règles de la Sélection en la rendant inapplicable. Vos procédés sont contraires à nos objectifs. ?

  La panique s’accentua. Des groupes se formèrent, certains cherchant à fuir vers les batiments intérieurs, d’autres invectivant l’Elu, cherchant des réponses qu’il était incapable de donner. La foule devint une masse bouillonnante d’incompréhension et de colère.

  ? En conséquence, votre Base va être désactivée tant que l'élu qui a failli ne sera pas éliminé. ?

  Un frisson glacial parcourut l’assemblée. Une femme s’effondra en pleurs, d’autres se tournèrent les uns vers les autres, la confusion et l’effroi peints sur leurs visages. Le mot "éliminé" planait, irrévocable. Déjà, quelques individus s’éloignaient discrètement, cherchant à ne pas être associés à leur leader déchu.

  Quelque part, un coup de feu retentit, étouffé par le vent froid des Rocheuses.

  L'ombre de la sentence pesait désormais sur Banff.

  Alan avait re?u les trois bips de l’équipe de Mehmet à 15 h 49. Il avait alors ordonné à Achille la mise en arrêt des champs de répulsion et d’invisibilité de la Base de Banff, lequel l’avait immédiatement imposé à l’IA locale.

  Le reste lui avait été relayé par Léa via les enregistreurs des navettes d’attaque. Résultat obtenu.

  C’était une première étape.

  Il venait d’envoyer l'accusation et la sentence aux Survivants de la cité.

  Un mot continuait de l’oppresser : "éliminé". Il lui restait en travers de la gorge. Il savait que c’était nécessaire pour conserver le contr?le d’Achille, qui demeurait en équilibre instable, mais l’écho de ce terme résonnait en lui d’une manière qu’il n’aimait pas.

  Il ne connaissait pas ce Brian. était-ce un criminel de guerre ? Un pauvre type dépassé par la situation ? Manipulé par d’autres forces en présence ? Ou bien quelqu’un comme lui, arrivé là par hasard et qui, à sa manière, pensait simplement faire au mieux ?

  Il expira lentement. Le moment approchait.

  Il allait donner l’ordre à Achille de désactiver la Base. Ce serait le chaos. L’anarchie. Il le savait. La peur se transformerait en haine.

  C’était le plan.

  Mais une question lui traversa l’esprit, une question qu’il évitait depuis longtemps.

  Est-il devenu le monstre qu’il craignait d’être jadis ?

  L’atmosphère, déjà chargée de tension après l’annonce implacable du vaisseau Gull, devint électrique. Des murmures parcouraient la foule, se transformant en cris étouffés, puis en vociférations de plus en plus audibles.

  ? Ils nous condamnent ! ?

  ? On va crever ici ! ?

  ? Plus de navettes, plus de protection ! ?

  ? Plus de nourriture ! ?

  La peur, brutale, incontr?lable, s’infiltra dans les esprits comme un venin. Les regards se tournèrent les uns vers les autres, d’abord dans une quête désespérée de réponses, puis avec une lueur plus sombre, plus primitive. L’instinct de survie prenait le dessus.

  Les premières armes apparurent dans la foule. Des pistolets récupérés dans les réserves, des fusils trouvés dans des casiers d’armurerie, des morceaux de métal arrachés aux structures environnantes, tout devenait un moyen de défense... ou d’attaque. Ceux qui n’en avaient pas cherchaient frénétiquement de quoi se battre.

  Dans la panique, certains se bousculaient, d’autres échangeaient des coups. Un homme tenta de forcer l’accès à une réserve alimentaire, fut repoussé violemment par un autre, et une bagarre éclata. Une détonation retentit. Un tir. Le premier.

  Un garde de l’Elu venait d’abattre un homme qui brandissait un couteau. La victime s’effondra sur le sol. Un silence pesant tomba sur la place centrale.

  Puis quelqu’un hurla ? Qu'il meure ! ?

  Un autre reprit. ? Qu'il meure ! ?

  La clameur monta, hurlée, grondante, martelée par des dizaines de bouches enragées. Le regard des gardes se durcit, leur instinct de protection les poussant à serrer leurs armes. Mais ils étaient en infériorité numérique. Ils le savaient. Certains échangeaient des regards inquiets, d’autres hésitaient. Un d’entre eux lacha son fusil et disparut dans la foule.

  Des coups de feu, des cris, des courses effrénées dans les couloirs de la Base. Certains essayaient de fuir, d’autres de se terrer, mais la plupart cherchaient leur cible : l'Elu.

  Dans un coin, un groupe de survivants enfon?ait une porte à coups de crosse. Une femme trébucha, fut piétinée. La loi du plus fort reprenait ses droits.

  L’odeur du sang se mêlait à la fumée des décombres encore tièdes des navettes détruites.

  L’Elu de Banff était traqué.

  Le chaos envahissait chaque recoin de la Base. Dans les couloirs résonnaient les cris, les coups, les tirs, et les hurlements de rage. Les survivants, autrefois disciplinés sous l'autorité de Brian, n'étaient plus qu’une masse incontr?lable, enragée par la peur et la certitude de leur fin prochaine.

  Les navettes br?laient toujours, projetant des volutes noires dans l’air glacé. Sans elles, la survie devenait impossible. Mais surtout, sans champ protecteur, la Base allait inévitablement être envahie par les nanites. Les visages, tordus par l’angoisse, se tournaient vers la tour centrale où Brian et ses derniers fidèles s’étaient retranchés.

  Les émeutiers se ruèrent vers l’entrée principale de la tour centrale. Un coup de feu retentit, stoppant net la première vague. Un garde fidèle à Brian venait d’abattre un homme qui tentait de passer de force.

  Mais cela n’arrêta personne.

  Ils chargèrent en masse, submergeant les défenses. Un garde hurla en voyant un couteau briller avant de dispara?tre sous une avalanche de corps furieux. La foule s’engouffra à l’intérieur, piétinant les blessés et les cadavres.

  Dans la salle de contr?le, Brian et ses derniers hommes barricadaient l’entrée. La pièce était plongée dans une lumière blafarde, les écrans holographiques affichant encore les dernières alertes de l’IA.

  "Base en cours de désactivation."

  "Champ de répulsion : OFFLINE."

  "Système de survie : 72h restantes avant arrêt total."

  Brian tentait encore de contacter l’IA du vaisseau Gull. Sa voix tremblait, plus de peur que de colère.

  "écoutez-moi ! Vous ne pouvez pas nous laisser ainsi ! Je suis encore l’Elu de cette Base, j’exige…"

  Silence.

  La seule réponse fut la répétition mécanique :

  "Base en cours de désactivation."

  Brian jeta l’émetteur au sol, les traits marqués par l’incompréhension. Il avait cru pouvoir dominer le jeu, imposer sa loi. Mais la Sélection ne suivait pas les règles qu’il imaginait.

  Un bruit sourd ébranla la salle. Puis un autre. Les barricades tremblaient sous les coups de béliers improvisés. Les cris au dehors résonnaient comme un rugissement de fauves affamés.

  Les fidèles de Brian ouvrirent le feu.

  Des balles traversèrent les portes fracturées, frappant les premiers assaillants. Des corps s’effondrèrent, mais d’autres prirent leur place, galvanisés par la rage et la peur. L’un des fidèles rechargeait son arme quand un projectile improvisé – un lourd morceau de métal arraché aux décombres – fracassa son crane.

  Les munitions s’épuisaient.

  La porte céda enfin dans un fracas assourdissant. Une vague humaine déferla dans la salle. Brian recula jusqu’au d?me de commande, entouré de ses derniers partisans qui tombaient les uns après les autres sous les coups et les balles.

  Il n’avait plus d’échappatoire.

  Des mains l’agrippèrent, le tirèrent en arrière. Un instant, il croisa les regards de ceux qui, jadis, le suivaient aveuglément. Il n’y vit que haine et détermination.

  Puis une voix claire s’éleva au-dessus du tumulte.

  "C’est lui qui nous condamne ! Il doit payer !"

  Ce fut l’un de ses officiers de confiance, celui qui l’avait suivi depuis le début, qui sortit de la foule et braqua son arme.

  Brian, haletant, tenta de protester, de justifier ses actes.

  Mais personne ne l’écoutait plus.

  Le coup partit.

  Une détonation unique, nette, brisa l’instant suspendu.

  Brian s’écroula, une expression figée entre stupeur et résignation.

  Un silence de mort tomba sur la salle.

  Tous tournèrent les yeux vers le d?me central. Un instant, il resta inerte. Puis une lueur pale s’alluma en son centre. Un anneau matériel se matérialisa lentement, flottant au-dessus de son socle.

  Le symbole du pouvoir.

  Personne n’osait bouger.

  Le tumulte venait de prendre fin dans le sang et la vengeance.

  à l’extérieur, sous un ciel chargé de nuages noirs, la Base de Banff était en train de sombrer.

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