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20 - LArwienne

  Les séances d'hypno-enseignement se succédaient, apportant des connaissances allant de la description du complexe Gull aux performances des croiseurs qu'ils devraient diriger. Certaines étaient spécifiques, spécialisées pour des membres précis de l'équipage. Ainsi, Alan bénéficia d'informations sur les diverses stratégies de combat des mercenaires, ainsi que sur celles des Arwiens.

  Le problème était que les enseignements fournis ne se mobilisaient qu'avec un besoin immédiat ou des questions intérieures très précises. Autrement dit, on ignorait souvent ce qu'on connaissait. Il fallait une stimulation intellectuelle pour les faire appara?tre. Aucun souci s'il s'agissait de trouver un chemin ou de reconna?tre un objet. Mais pour élaborer une stratégie, la démarche était beaucoup plus délicate. Jennel et Alan travaillaient ensemble sur ce sujet avec un certain succès.

  Ce soir-là, la veille de leur transfert dans leur vaisseau, Alan se posait des questions sans réponse. Il s'assit face à Jennel et, d'un ton songeur, lan?a :

  "Cette guerre dure depuis quarante-deux ans."

  Jennel leva un sourcil.

  "C'est beaucoup et peu à la fois..."

  "Elle a commencé après une grande bataille qui a saigné les deux camps, surtout les Gulls."

  Jennel hocha la tête.

  "Ils sont devenus si peu nombreux qu'ils ont d? organiser les Sélections pour obtenir des combattants."

  Alan croisa les bras et fixa un point invisible devant lui.

  "J'ai regardé les chiffres. Le nombre de mercenaires diminue avec le temps, alors que les estimations sur les Arwiens semblent constantes."

  Jennel fron?a les sourcils, pensive.

  "Il y a une anomalie."

  Alan tourna la tête vers elle, attendant la suite.

  "D'après les Gulls, les Arwiens possèdent une sorte d'Empire, qu'ils traduisent par Impérium dans notre langue. Il compterait des dizaines de planètes, peut-être plus. Ce qui leur donne des ressources industrielles et en personnel gigantesques."

  Alan acquies?a lentement.

  "Donc... ils auraient d? gagner cette guerre depuis longtemps."

  Jennel soupira.

  "Oui, je le pense."

  Alan passa une main sur son visage, songeur.

  "Comment peut-on se battre efficacement contre un ennemi dont on ne comprend pas le potentiel ?"

  Jennel haussa les épaules.

  "On pourrait demander à Bulle."

  Alan leva les yeux. Bulle se trouvait devant la porte, immobile, attendant que ses services soient sollicités par Alan ou par les Gulls.

  D’une voix forte, Alan l’interpella :

  "Bulle."

  "Oui, Commandant."

  Alan croisa les bras et sourit légèrement.

  "J’ai une petite question toute simple : pourquoi les Arwiens n’ont-ils pas déjà gagné la guerre ?"

  Bulle répondit aussit?t, sans la moindre hésitation :

  "Parce qu’ils ne le peuvent pas."

  Alan haussa un sourcil, surpris.

  "Ils n’ont pas une puissance économique suffisante pour cela ?"

  "Je ne connais pas leur puissance réelle."

  Alan se redressa, intrigué.

  "Quelqu’un la conna?t ?"

  "Je n’ai pas cette information."

  Alan réfléchit un instant, puis demanda :

  "Peut-on rencontrer un Gull pour lui poser la question ?"

  "Trop t?t." répondit Bulle, sans autre explication.

  Jennel fron?a les sourcils et prit la parole :

  "Bulle, compte tenu de l'évolution du nombre de mercenaires disponibles, et en supposant la puissance des Arwiens constante, dans combien d'années terrestres les Gulls devront-ils reprendre eux-mêmes le combat, puis auront-ils perdu la guerre ?"

  "Neuf et douze ans, à un an près," répondit Bulle sans délai.

  Alan échangea un regard avec Jennel, puis hocha lentement la tête.

  "Merci, Bulle. Tu peux te retirer."

  L’interface obéit sans un mot et quitta la pièce. Jennel soupira.

  "Cette guerre n'a aucun sens, Alan."

  Alan fixa un instant la porte avant de répondre, pensif :

  "Ou alors... c'est nous qui ne le voyons pas."

  La méga-navette, cette fois-ci avec des parois transparentes, transporta les équipiers jusqu'à l'astroport militaire Gull.

  L'immense structure s'imposait dans l'espace comme un anneau colossal entourant une sphère centrale massive, connectée à la structure par d’innombrables passerelles et modules. L’anneau extérieur, constellés de baies d’amarrage, semblaient con?us pour accueillir un nombre vertigineux de vaisseaux, du croiseur de guerre aux petites unités de patrouille. La structure irradiait une lumière artificielle, projetant des reflets dorés et métalliques, tandis que des signaux lumineux devaient indiquer des trajets précis aux appareils en approche.

  Alan et Jennel observaient en silence, impressionnés par l’ampleur du spatioport. Il était con?u pour la guerre, pour coordonner des campagnes militaires d’une envergure inimaginable. Et pourtant, il paraissait presque... vide.

  Alan murmura :

  "On pourrait croire que presque tous les vaisseaux sont en campagne..."

  Jennel, toujours fascinée par la taille des installations, acquies?a distraitement.

  "C'est impressionnant, oui..."

  Alan secoua la tête et précisa :

  "Mais en réalité, ce n’est pas le cas. Il n’y a pas assez de mercenaires pour en remplir ne serait-ce que la moitié."

  Jennel cligna des yeux, réalisant l’ampleur du problème.

  "Alors, pourquoi un tel déploiement si la moitié des baies restent inoccupées ?"

  Alan haussa les épaules avant de répondre d’un ton pensif :

  "Peut-être qu'ils n'ont plus assez de vaisseaux."

  Ils furent déposés dix par dix sur une immense plateforme connectée aux baies où attendaient soixante croiseurs de bataille. Ils connaissaient tous la disposition des lieux, l'accès aux vaisseaux et la salle de contr?le où chaque équipage se rendit.

  Chacun trouva son poste sans hésitation, comme si les informations assimilées par hypno-enseignement guidaient leurs gestes avec une fluidité naturelle. Ce n'est qu'une fois installés devant leur console lumineuse, ajustant les commandes lumineuses et scrutant les interfaces holographiques interactives, qu'ils réalisèrent pleinement où ils se trouvaient. L’ampleur de leur nouvelle réalité les frappa alors : ils n’étaient plus des réfugiés survivants, mais des membres d’un équipage interstellaire, engagés dans une guerre dont ils ne ma?trisaient pas encore tous les enjeux.

  Alan et Jennel avaient pris place dans le vaisseau de commandement, lequel ne se différenciait pas des autres par sécurité. Ils avaient leur estrade d'observation dominant la salle, où s'affichaient une multitude d'écrans holographiques, principalement à visée tactique. Toute la paroi avant demeurait transparente, ce qui leur rappelait un peu leur navette terrestre.

  Alan et le commandant du vaisseau disposaient d’une IA très élaborée que les Gulls appelaient "machine à penser". Alan lui fournit le type de formation de l'escadre et le point à rallier.

  Tout se fit avec une précision mécanique : les soixante vaisseaux quittèrent de manière parfaitement synchronisée l’astroport, leurs propulseurs à antimatière ajustant automatiquement leurs trajectoires pour éviter la moindre interférence. De l’intérieur, les équipages ressentaient à peine le déplacement, mais à travers les écrans holographiques, ils pouvaient voir l’immensité métallique du complexe militaire s’effacer peu à peu.

  Quelques minutes plus tard, à un signal inaudible, l’ensemble de la flotte enclencha son champ stasique. Un bref frémissement parcourut les structures des croiseurs, comme un écho étrange dans l’espace lui-même. Puis, dans un éclair silencieux, chaque vaisseau disparut, projeté dans le transfert hyper-quantique. La sensation du passage était imperceptible, mais quelque chose dans la conscience des équipages, une sorte de flou mental, leur indiquait qu’ils avaient franchi une frontière invisible, quittant l’espace connu pour entrer dans l’inconnu.

  La majeure partie du voyage fut utilisée pour tester et s’accoutumer aux fonctions offertes par l’IA, laquelle réalisait presque tout le travail en temps normal. Les équipiers prenaient peu à peu conscience de l'étendue de leurs responsabilités et du fonctionnement du vaisseau qui allait les porter au c?ur de la guerre.

  La flotte réintégra l’espace normal à proximité d’un gigantesque champ d’astéro?des. Devant eux, une immense étendue de roches dérivait lentement, certaines minuscules, d’autres beaucoup plus massives qu’un croiseur. Contrairement aux images classiques d’astéro?des en orbite chaotique, cette ceinture était relativement plane, comme si elle formait un disque suspendu dans l’immensité. L’épaisseur du champ était faible comparée à son étendue, rendant l’ensemble à la fois fascinant et mena?ant.

  Alan et Jennel observaient en silence puis la voix calme préenregistrée de Bulle se fit entendre dans tous les vaisseaux par communication inter-nanites.

  "L’objectif de la mission est de débusquer un ou plusieurs repères d’éclaireurs arwiens, ainsi que d’éventuels vaisseaux d’escorte qui se dissimulent parmi les astéro?des."

  Alan hocha la tête, puis prit la parole de la même manière pour adresser un message aux équipages :

  "Nous sommes supposés entrer dans ce champ pour identifier d’éventuelles menaces. Nos adversaires y sont sans doute cachés et nous devons les forcer à se dévoiler. Mais nous ne suivrons pas la tactique que les Gulls attendent de nous. Nous allons faire autrement."

  A?ssatou, en charge du vaisseau de commandement, se tourna vers lui :

  "Détection active du champ d’astéro?des en cours."

  Quelques secondes passèrent avant que l’IA ne réponde :

  "Densité rocheuse trop élevée. Résultats non concluants."

  Alan esquissa un sourire. Il s’y attendait.

  "A?ssatou, vous estimez qu’il nous faut trouver un chemin pour y envoyer quelques vaisseaux ?"

  A?ssatou confirma :

  "C’est la seule approche logique."

  "C’est aussi ce que prévoyaient les Gulls," répliqua Alan. "Mais nous n’allons pas leur faire ce plaisir."

  Alan ordonna alors à l’IA :

  "Regroupement des vaisseaux par trois. Vingt groupes formés. Groupes 1 à 10, positionnement sous le champ d’astéro?des selon la répartition régulièrement espacée que j’affiche sur l’hologramme. Groupes 11 à 20, même man?uvre au-dessus du champ après déploiement des premiers."

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  Jennel l’observa un instant avant de demander :

  "Tu estimes obtenir ainsi une meilleure détection ?"

  Alan acquies?a.

  "Oui. Mais pas pour trouver l’adversaire."

  Le déploiement s’exécuta sans encombre. à présent, Alan passa à l’étape suivante :

  "IA, génère une carte détaillée des contraintes gravitationnelles du champ, avec identification des points d’équilibre et de déséquilibre."

  Quelques secondes s’écoulèrent, les capteurs des soixante croiseurs analysant les variations gravitationnelles et leur croisement. Puis l’affichage holographique se modifia, révélant trois points d’équilibre marqués par la présence de massifs astéro?des stabilisés et trois points de déséquilibre correspondant à des zones vides anormalement calmes.

  Alan demanda alors une simulation supprimant les points d’équilibre et accentuant l’effet des points de déséquilibre. Après de complexes calculs, l’hologramme révéla la vision d’une dislocation rapide du champ d’astéro?des.

  A?ssatou fixa l’hologramme, pensive.

  "Si nous faisons ?a..."

  Jennel compléta d’une voix atone :

  "...Tout le champ se disloquera."

  Alan hocha la tête.

  "Exactement."

  Il se tourna vers l’opérateur tactique :

  "Ordre aux groupes les mieux placés : tir de six torpilles à antimatière sur chacun des trois astéro?des d’équilibre. Trois missiles à fragmentation quantique dans chacune des zones vides instables."

  Les torpilles à antimatière quittèrent silencieusement les croiseurs et atteignirent leurs cibles en un instant. Un flash aveuglant illumina l’hologramme, simulant les explosions d’une intensité inou?e. Au même moment, les missiles quantiques frappèrent les zones vides, créant des déchirures dans le tissu spatial sans le moindre effet visible mais créant une tempête gravitationnelle.

  Quelques minutes passèrent dans un silence pesant.

  L’hologramme, mis à jour en temps réel, montrait la propagation lente mais inéluctable du chaos. L’ordre froid et statique du champ d’astéro?des était en train de céder à une désorganisation totale.

  A?ssatou signala des détections multiples en périphérie du champ.

  "Confirmation de l'IA," ajouta l’opérateur tactique. "Douze vaisseaux éclaireurs en deux formations, deux petits croiseurs d’escorte dont un en trajectoire erratique."

  Alan n’attendit pas :

  "Resserrement des groupes sur les cibles. Armes libres."

  Jennel s’approcha et lui murmura :

  "Les Arwiens... Ils sont presque humains."

  Alan serra la machoire et répondit d’une voix sombre :

  "La priorité, c’est la vie de nos hommes. La menace ne vient pas des Arwiens."

  Le combat fut court et brutal. La puissance de feu concentrée des croiseurs terriens ne laissa aucune chance aux éclaireurs. Huit furent détruits en quelques secondes, tandis que l’un des croiseurs d’escorte explosa sous les tirs croisés. L’autre, déjà en perdition, dériva avant de s’écraser contre un astéro?de massif.

  "Aucun dégat pour la flotte," rapporta A?ssatou.

  Alan hocha la tête.

  "Regroupement immédiat. Détecte d’éventuels survivants."

  Quelques instants plus tard, A?ssatou annon?a :

  "Deux capsules de sauvetage repérées."

  "Récupération immédiate."

  La première capsule s’avéra vide. La seconde contenait un survivant.

  A?ssatou analysa les données et déclara :

  "Un Arwien vivant."

  Un silence tendu s’installa. Alan inspira profondément.

  "Préparez un sas sécurisé. Et trouvez-moi des armes de poing."

  A?ssatou eut un sourire ironique.

  "Le peu que nous avons ne nous rassurera pas beaucoup."

  Accompagné de trois hommes armés, Alan se rendit dans le sas où la capsule allait être ouverte.

  La capsule s’ouvrit lentement, libérant un léger souffle d’air sous pression. Alan et son équipe restèrent figés un instant lorsque la silhouette apparut. L’arwien était une arwienne. Elle était d’une beauté fascinante et troublante, étrangement proche de l’humanité. Sa peau d’un blanc diaphane semblait capter la lumière, lui donnant un éclat presque irréel. Ses longs cheveux d’un blanc argenté encadraient un visage fin et parfaitement symétrique, où chaque trait semblait avoir été sculpté avec une précision presque surnaturelle. Ses yeux, d’un éclat cristallin, ne reflétaient pas seulement la lumière ambiante, mais semblaient eux-mêmes en être une source, brillant d’une intensité froide et pénétrante.

  Sa tenue moulante, d’un blanc immaculé, était composée d’un matériau synthétique d’une finesse remarquable, à la fois souple et rigide, con?u autant pour la protection que pour l’aisance. Elle portait des inscriptions discrètes sur les avant-bras et le col, des caractères inconnus mais ordonnés, comme une signature ou un matricule.

  Alan visualisa son Spectre et, contrairement aux autres extraterrestres qu’ils avaient rencontrés jusqu’ici, il parvint à le déchiffrer sans trop de difficultés. Il y retrouvait des nuances différentes de celles des humains, mais rien de fondamentalement étranger. Il sentit la peur, la détresse, mais aussi une forme de courage et une fierté farouche. Pourtant, ce qui l’étonna le plus fut la surprise qu’il y détecta, comme si elle-même n’attendait pas à se retrouver là, face à eux.

  Sans détourner les yeux de l’Arwienne, Alan appela Jennel:

  "Viens voir ?a."

  Quelques instants plus tard, Jennel pénétra dans le sas. Aussit?t, le regard de l’étrangère se fixa sur elle et ne la quitta plus.

  "Tu vois son Spectre ?" demanda Jennel.

  Alan hocha la tête.

  "Je le déchiffre."

  Jennel murmura pour elle-même :

  "Elle n’a pas de nanites… Comment communiquer ?"

  Elle réfléchit un instant, puis, à haute voix, ordonna :

  "IA, affiche un hologramme dans le sas."

  L’IA exécuta la commande. Jennel décrivit alors la séquence à afficher :

  


      


  •   Une image de l’Arwienne, isolée.

      


  •   


  •   Une image d’elle-même lui tenant la main.

      


  •   


  •   Une troisième image, où un Gull tenait une cha?ne attachée à Jennel et la tirait pour qu’elle lache la main de l’Arwienne.

      


  •   


  "Joue cette séquence en boucle."

  L’hologramme s’anima, répétant les trois images à un rythme régulier.

  La naufragée mit quelques secondes avant de comprendre la représentation. Son regard glissa lentement de l’hologramme à Jennel, puis revint sur l’image. Une lueur d’incertitude passa dans ses yeux cristallins.

  Soudain, Alan intervint :

  "IA, connais-tu la langue arwienne ?"

  "Non."

  Alan eut un sourire amer. Il s’y attendait, ayant déjà posé la question à Bulle.

  "Possèdes-tu un analyseur sémantique ?"

  "Oui." répondit-elle immédiatement.

  Il s’y attendait. La complexité des langues extraterrestres était telle que la connexion inter-nanites ne suffisait pas toujours. Entre deux espèces très différentes, certaines constructions linguistiques étaient si éloignées qu’une couche supplémentaire de traduction s’avérait indispensable. L’IA devait assurer ce r?le.

  Alan jeta un regard vers Jennel.

  "Comment l’utiliser ?"

  Jennel réfléchit un instant avant de répondre :

  "Avec du temps, peut-être… Mais on ne l’a pas."

  Elle inspira profondément, puis tenta une approche différente.

  "Zirkis."

  Aucune réaction chez l’Arwienne.

  Jennel hésita, puis lan?a :

  "Xi."

  L’effet fut immédiat. L’Arwienne ouvrit de grands yeux, la surprise clairement lisible sur son visage.

  Alan comprit immédiatement.

  "IA, traduis oralement nos phrases en Xi."

  "Parlez-vous Xi ?" demanda-t-il.

  Un instant de silence, puis une petite voix cristalline s’éleva, légèrement hésitante :

  "Oui, un peu." traduisit l’IA.

  Jennel et Alan échangèrent un regard. La communication était établie.

  "Qui êtes-vous ?" poursuivit la voix fragile de l’Arwienne.

  Alan prit une inspiration et répondit d’une voix calme :

  "Je viens de la Terre."

  L’Arwienne le fixa, puis demanda d’un ton méfiant :

  "Pourquoi vouloir notre mort ?"

  Alan ne détourna pas le regard.

  "Nous ne le voulons pas… mais nous y sommes obligés par les Gulls."

  Un silence pesant s’installa. L’Arwienne cligna des yeux, comme si elle analysait ses mots.

  "Vais-je être tuée aussi ?" finit-elle par demander, sa voix plus basse.

  Alan secoua la tête.

  "Non. Vous serez relachée dans votre capsule, avec un émetteur de secours plus puissant."

  L’Arwienne sembla hésiter.

  "Pourquoi ?"

  "Parce que vous ne représentez pas un danger."

  Elle continua à l’observer, puis ses yeux dérivèrent vers Jennel, qui était restée silencieuse.

  "Pourquoi votre chef ne dit-elle rien ?" demanda-t-elle en désignant Jennel.

  Jennel arqua un sourcil avant de répondre d’un ton neutre :

  "Je ne suis pas le chef."

  L’Arwienne tressaillit légèrement. Son visage laissa transpara?tre une surprise sincère, suivie d’une lueur de consternation.

  Jennel comprit ce que cela impliquait.

  Et avant de l’inviter à remonter dans sa capsule, elle posa une dernière question :

  "Pourquoi l’Impérium n’arrive-t-il pas à gagner la guerre ?"

  Le retour s'effectua à l'image de l'aller. Transfert hyper-quantique. Amarrage au spatioport. Retour en navette.

  Bulle attendait Jennel et Alan devant la porte de leur chambre. Dès qu'ils approchèrent, il les accueillit d'une voix neutre mais ferme.

  ? Commandant, vous avez enfreint la règle de ne pas faire de prisonnier. ?

  Alan le fixa calmement avant de répliquer :

  ? Quand est-ce que tu me l’as dit ? ?

  Bulle marqua une courte pause avant d’admettre :

  ? Cette règle n'était pas prioritaire pour cette mission, mais elle figure dans vos enseignements. ?

  Alan haussa un sourcil et se tourna vers Jennel.

  ? Tu as entendu parler de cette règle, toi ? ?

  Jennel secoua la tête, tout aussi surprise que lui.

  ? Non. Ce n’est pas passé par l’hypno-enseignement en tout cas. ?

  Alan reporta son attention sur Bulle, l’air faussement contrit.

  ? Eh bien, maintenant que nous le savons, nous nous efforcerons à l’avenir d’appliquer cette règle inattendue. ?

  Mais Bulle ne s’arrêta pas là.

  ? Vous n’avez pas suivi le plan prévu. ?

  Alan croisa les bras et prit un ton plus sérieux.

  ? Quelle partie du plan prévu ai-je ignorée, exactement ? ?

  ? La stratégie implicite des machines-à-penser Gulls. ?

  Alan eut un sourire sarcastique.

  ? Ah. Parce qu’on nous en avait parlé ? ?

  Bulle sembla hésiter une fraction de seconde avant de répondre.

  ? Non, mais elle était déduite des paramètres d’engagement standards. ?

  Alan se tourna vers Jennel, qui était en train de réprimer un sourire amusé.

  ? Tu avais compris, toi, qu’il y avait une stratégie “implicite” des Gulls ? ?

  ? Non plus. Mais apparemment, nous sommes censés le deviner. ?

  Alan hocha la tête d’un air faussement résigné.

  ? Bon, maintenant que nous avons échoué à lire dans l’esprit des machines-à-penser, est-ce que la mission est remplie correctement ? ?

  Bulle sembla recalculer pendant une fraction de seconde.

  ? Oui. ?

  Alan lui adressa un sourire satisfait et déclara d’un ton léger en refermant la porte devant lui :

  ? Tout est pour le mieux, alors. ?

  Alan venait de réunir tous les Terriens dans leur Hall et leur adressa le discours suivant :

  ? Il est important de conna?tre un maximum d'informations sur son adversaire afin d'être plus efficace. ? Alan pensait que cela servirait de justification vis-à-vis des Gulls.

  Il leur rappela que cette guerre avait commencé il y a environ une quarantaine d’années par un brutal affrontement. Les deux parties furent exsangues, les Arwiens stoppant la progression Gull. Mais les Gulls lancèrent une attaque basée sur des nanites sur plusieurs planètes arwiennes.

  ? Ils mirent du temps à se développer et se reproduire. L'énergie était insuffisante car il n'y avait pas de vaisseaux de Sélection pour les alimenter. Mais ils finirent par s'étendre et détruire des zones entières, puis se transportèrent sur d'autres planètes. ?

  Alan s'arrêta un instant avant d'ajouter :

  ? Vous savez de quoi je parle. ?

  ? Depuis, le danger et les destructions ne cessent de cro?tre. Les efforts des Arwiens sont insuffisants. Ils ralentissent seulement la progression des nanites, mais ils épuisent aussi l'effort de guerre contre les Gulls.

  Ils empêchent la victoire militaire, inévitable sans les nanites. ?

  Il les balaya du regard.

  ? C'est ce que nous savons de la situation des Arwiens. ?

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