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4 - Comme un air de vacances

  Le soir même, Michel réunit les membres du groupe autour d’un feu de camp, profitant d’un instant de calme pour tenter de redonner un peu de cohésion aux Survivants après les événements tragiques du village. La fatigue se lisait sur les visages, mais la plupart écoutait avec attention.

  ? Nous avons besoin de parler du chemin à suivre ?, commen?a Michel, son ton mesuré mais ferme. ? Je vais vous montrer la direction que nous suivons. Pas le but, parce que nous ne le connaissons pas encore. Mais la direction. ?

  Il étala une vieille carte routière de l’Europe sur une pierre plate, ses bords usés par le temps. Les yeux des Survivants se posèrent sur le tracé complexe des routes et des villes. Michel pointa du doigt un emplacement marqué au crayon rouge.

  ? Nous sommes ici ?, dit-il, son doigt tapotant légèrement une zone au sud-ouest de Béziers, en France. ? à environ quinze kilomètres de Béziers. Jusqu’ici, nous avons suivi une direction claire : vers le sud-est. Et si l’on continue à peu près dans cette direction… ?

  Son doigt glissa lentement sur la carte, traversant la Méditerranée. Il passa par l’Italie, longeant Rome, avant de pointer vers les Balkans.

  ? Si on prolonge cette ligne droite, on arrive à Istanbul. ?

  Un murmure parcourut le groupe. Certains semblaient perplexes, d’autres inquiets. Alan resta silencieux, observant la carte sans grande expression.

  Michel poursuivit.

  ? Bien s?r, nous ne pourrons pas suivre cette trajectoire de fa?on exacte. Il y a des montagnes, des mers, des zones trop incertaines. Nous devrons emprunter des routes plus s?res. Mais en gros, voilà la direction à suivre. ?

  Il marqua une pause, observant les réactions.

  ? Combien de jours cela prendra ? Impossible de le savoir. Nous n’avons pas de destination finale. Seulement cette direction. Le Phare. ?

  Les visages autour du feu étaient tendus. Certains échangeaient des regards inquiets. L’idée de marcher des semaines, voire des mois, sans certitude de ce qui les attendait à l’arrivée n’était guère rassurante.

  Michel tenta d’adoucir son discours.

  ? Nous avons survécu jusqu’ici. Nous continuerons. Le Phare est notre guide. Il nous donne un sens, une raison d’avancer. ?

  Rose acquies?a doucement, mais beaucoup restaient silencieux.

  Alan, lui, restait immobile, les yeux fixés sur la carte. Son esprit semblait ailleurs, loin des préoccupations du groupe. Il réfléchissait déjà à une autre option.

  Jennel, assise près de lui, ne le quittait pas des yeux. Elle remarqua son absence d’enthousiasme, le poids de ses pensées visibles sur son visage. Contrairement aux autres, il ne semblait pas convaincu par le discours de Michel.

  Lorsque la réunion prit fin, les Survivants se dispersèrent en petits groupes, discutant à voix basse. Michel roula soigneusement la carte et la rangea dans son sac.

  Jennel s’approcha d’Alan.

  ? Tu n’as rien dit. ?

  Alan haussa légèrement les épaules.

  ? Parce que je ne suis pas certain que suivre une ligne droite soit la meilleure idée. ?

  Jennel sourit doucement. ? Tu réfléchis à un autre chemin, n’est-ce pas ? ?

  Alan hocha la tête. ? Peut-être. Mais pour l’instant, je vais suivre. Michel fait du bon travail. ?

  Ils échangèrent un regard prolongé, une compréhension silencieuse passant entre eux.

  ? Pour l’instant. ?

  Alors que le groupe commen?ait à s’organiser pour la soirée, Jennel rejoignit Alan, le regard plus apaisé qu’à son habitude.

  ? Je vais passer la nuit avec Rose ?, annon?a-t-elle simplement. ? Sur la pelouse, près des halles du village. ?

  Alan haussa un sourcil, surpris.

  ? Pourquoi ? ?

  Jennel esquissa un sourire triste.

  ? Parce qu’elle m’apportera le calme et la sérénité dont j’ai besoin. Mon esprit est encore chaotique. ?

  Alan la regarda en silence, légèrement dé?u. Il n’avait rien espéré de précis, mais l’idée qu’elle veuille s’éloigner de lui pour la nuit le troublait.

  ? J’ai besoin de me retrouver ?, continua-t-elle. ? De laisser derrière moi mon ancien comportement. Je veux être avec toi, Alan. Je veux ton amour. Mais pour ?a, je dois d’abord évacuer ce qui me retient. ?

  Elle s’approcha doucement, posant une main légère sur sa joue.

  ? Ne t’en fais pas. Je reviendrai. ?

  Alan hocha la tête, incapable de trouver les mots. Jennel se pencha légèrement et déposa un baiser doux sur sa joue avant de s’éloigner dans la pénombre.

  Alan resta immobile un long moment, puis il se résigna à installer sa tente un peu plus loin. Tandis qu’il préparait son campement, il se laissa envahir par les bruits du soir.

  Le murmure continu d’une fontaine résonnait au centre des halles, son clapotis régulier se mêlant aux bruits diffus du campement. Des voix chuchotaient à distance, des rires légers se perdaient dans l’air frais de la nuit. Puis, soudain, quelques notes de guitare brisèrent la monotonie des sons nocturnes.

  Alan tourna la tête, surpris. La mélodie était douce, hésitante, comme si celui qui jouait cherchait encore ses accords. Il se laissa bercer par cette musique inattendue, appréciant ce rare instant de beauté simple.

  Un battement d’ailes le ramena à la réalité.

  Un corbeau solitaire se posa sur une poutre de bois surplombant les halles. Il agita ses ailes noires et brillantes, ses plumes luisant sous la lumière tamisée de la lune. Ses yeux sombres, presque inquisiteurs, se posèrent sur Alan, comme s’il jaugeait l’intrus.

  Le corbeau inclina légèrement la tête, émettant un croassement rauque et grave. Il semblait être le dernier de son espèce, un survivant d’un monde mourant. Alan observa l’oiseau avec fascination, se demandant ce qu’il pouvait bien penser en scrutant ce campement de Survivants.

  Le corbeau battit des ailes une dernière fois avant de s’envoler dans la nuit silencieuse, disparaissant dans l’ombre des arbres.

  Alan ferma les yeux, laissant ce moment suspendu imprégner son esprit. Le monde continuait de tourner, malgré tout.

  JENNEL 96.

  Je me rends compte que j'ai du mal à décrire des sentiments aussi forts.

  J'ai tué une femme aujourd'hui, une femme que je ne connaissais pas et qui ne me mena?ait même pas. C'est horrible.

  Pourquoi j'ai fait ?a ?

  J’allais perdre l’homme que j’aime.

  Voilà, c'est écrit. Je le relis, et je n'en reviens pas.

  Il faudrait que je puisse le crier, mais quelque chose me retient. Je vais passer la nuit chez Rose, peut-être qu'elle pourra m'aider à y voir plus clair.

  Pauvre Alan, il m'a vue partir chez elle. Il a cet air perdu qui me bouleverse toujours. Il est tellement mignon, sauf quand il joue au cow-boy. Il manque parfois de bon sens.

  Au matin, Alan sortit de la tente en s’étirant. La lumière douce du soleil caressait les pierres des halles, tandis que les premiers bruits du campement naissant emplissaient l’air frais.

  Jennel et Rose l’observaient.

  ? Ce gar?on adore faire la grasse matinée ?, lan?a Rose en riant. Jennel, debout à ses c?tés, esquissa un sourire timide.

  ? Je ne suis pas contre ?, ajouta-t-elle en baissant les yeux.

  Alan passa une main dans ses cheveux en désordre, surpris de les voir déjà debout. Il attrapa son sac et sortit ses affaires.

  Jennel s’approcha de lui doucement.

  ? Je vais prendre la patrouille arrière aujourd’hui. Avec Ibrahim. ?

  Alan fron?a les sourcils. ? Tu m’as dit ne pas aimer être à l’arrière. Pourquoi ? ?

  Jennel lui sourit, ses yeux pétillants de malice. ? Pour finir sa formation. Il doit me remplacer. ?

  Alan cligna des yeux, surpris. ? Remplacer ? ?

  Jennel hocha la tête, un léger sourire jouant sur ses lèvres.

  ? Plus de patrouille arrière pour moi. ?

  ? Et pourquoi donc ? ?

  Elle fit un pas de plus, s’approchant jusqu’à ce que leurs visages soient presque à la même hauteur.

  ? Parce que je veux être à l’avant. Avec toi. ?

  Alan sentit son c?ur battre plus vite. Il resta silencieux, cherchant quoi répondre.

  Jennel lui posa une main sur le bras, un geste léger, intime.

  ? Avec toi, mon c?ur ?, murmura-t-elle, avant de se détourner et de partir rejoindre Ibrahim.

  Alan resta planté là, un peu perdu.

  Il se retourna pour voir Rose approcher, un sourire léger sur le visage.

  ? Elle a l'air différente, ? remarqua Alan, presque en murmure.

  Rose haussa les épaules avec un sourire en coin.

  ? Peut-être parce qu'elle a passé la nuit à réfléchir à vous deux. ?

  Alan plissa les yeux, intrigué.

  ? Qu'est-ce que tu veux dire ? ?

  Rose s'adossa à un mur proche.

  ? Jennel m’a demandé de rester avec elle cette nuit. Elle avait besoin de parler, de mettre de l’ordre dans ses pensées. Elle voulait être certaine de ce qu’elle ressentait pour toi. Et ce matin, elle le savait. ?

  Alan resta silencieux un moment.

  ? Alors, ce… cette douceur de sa part ce matin… ?

  Rose hocha la tête.

  ? Elle voulait te le crier, Alan. Te dire qu'elle t’aime. Mais elle avait besoin d’entendre quelqu’un lui dire qu’elle en avait le droit. C’est ce que je lui ai dit. ?

  Alan se passa une main sur le visage, un sourire timide naissant sur ses lèvres.

  ? Merci, Rose. ?

  Elle le fixa, un éclat malicieux dans les yeux.

  ? Tu sais que tu n’es pas le doyen du groupe, hein ? ?

  Alan leva un sourcil, surpris.

  ? Pardon ? ?

  ? J’ai 66 ans, ? annon?a Rose en riant. ? Je crois bien que c’est moi la plus agée ici. ?

  Alan éclata de rire.

  ? Eh bien, tu ne les fais pas. ?

  ? Merci, les nanites, ? répondit-elle en plaisantant. ? Il faut bien leur reconna?tre ?a : on est tous revenus à notre meilleure forme. ?

  Alan hocha la tête, un sourire amusé.

  ? Et les plus jeunes ? Tu sais qui ils sont ? ?

  Le visage de Rose s’assombrit légèrement.

  ? à ma connaissance, il n’y a ni enfants ni adolescents parmi les Survivants. José est le plus jeune du groupe, avec ses 23 ans. ?

  Alan fron?a les sourcils.

  Rose prit une inspiration profonde.

  ? Les femmes survivantes sont toutes stériles. Les nanites ont arrêté les cycles menstruels. Aucune d’entre nous n’a eu de période d’ovulation depuis l’attaque. ?

  Alan resta figé.

  ? Et les hommes ? ?

  Rose haussa les épaules.

  ? On ne sait pas. Mais sans enfants, il n’y a pas d’avenir. Et ?a, Alan, c’est peut-être la pire conséquence de tout ce qui s’est passé. ?

  Quelques instants plus tard, il récupéra son sac et rejoignit Bob et Johnny.

  ? Prêt ? ? demanda Bob avec un sourire.

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  Alan hocha la tête, mais son esprit était ailleurs.

  La marche du matin se révéla agréable, le groupe avan?ant le long d’une route bordée d’étangs et de canaux. De minuscules ports et des cabanes de pêcheurs ponctuaient le paysage. Les parcs à hu?tres dessinaient des lignes géométriques sur l’eau calme, et des résidences de tourisme abandonnées s’effa?aient lentement sous une végétation hors contr?le.

  Alan marchait aux c?tés de Johnny, surpris par le silence inhabituel du colosse.

  Mais il ne dura pas.

  ? Eh bien, eh bien ?, lan?a Johnny avec un sourire malicieux. ? Jennel t’a enfin tapé dans l’?il, hein ? ?

  Alan secoua la tête, agacé. ? Tu vois des choses qui n’existent pas. ?

  Johnny éclata de rire. ? Allez, tu ne peux pas me la faire à moi ! ?

  Il continua sur un ton plus bas, se penchant légèrement vers Alan.

  ? Je t’ai vu la regarder. Et elle aussi, d’ailleurs. Vous êtes comme deux gosses qui jouent à cache-cache. ?

  Alan soupira. ? C’est plus compliqué que ?a. ?

  ? C’est toujours plus compliqué ?, répliqua Johnny en haussant les épaules. ? Mais ?a fait du bien de voir quelqu’un sourire dans ce monde pourri. Même si c’est un sourire un peu timide. ?

  Alan finit par sourire à son tour, malgré lui.

  ? Tu es insupportable. ?

  Johnny éclata de rire, satisfait. ? Je fais de mon mieux. ?

  Le reste de la matinée se déroula sous le signe de la légèreté. Johnny lan?a des plaisanteries douteuses et offrit des conseils absurdes, que personne ne prit au sérieux. Alan, d’abord agacé, se surprit à répondre sur le même ton, trouvant finalement un réconfort inattendu dans cette camaraderie.

  Le paysage, lui, restait fascinant. Des cabanes de pêcheurs en bois rongées par le sel, des filets de pêche abandonnés flottant au vent. Le groupe progressait lentement, mais chaque pas les rapprochait un peu plus de la mer.

  Alan repéra soudain un Spectre : une silhouette indistincte à l’écart du chemin qu’ils suivaient. Il s’arrêta brièvement, tentant de capter davantage d’informations, mais la présence disparut aussi vite qu’elle était apparue. Il haussa les épaules et reprit sa marche.

  ? Quelque chose ? ? demanda Bob, jetant un regard curieux vers Alan.

  ? Rien d’important ?, répondit-il, évitant les détails inutiles.

  Rose avait insisté pour que le groupe fasse un détour vers deux supermarchés repérés sur une vieille carte. Alan, Bob et Johnny partirent donc en éclaireurs pour vérifier leur état. Le premier, à l’intérieur des terres, était partiellement effondré et pillé depuis longtemps, un camion encastré dans sa facade.

  Le deuxième, plus proche de la mer, semblait plus prometteur. Ils y jetèrent un coup d’?il rapide. Les portes étaient bloquées, mais les vitrines intactes laissaient entrevoir des rayons encore garnis de conserves, de bouteilles d’eau et d’autres produits essentiels.

  Rose sera satisfaite en apprenant la nouvelle.

  ? ?a vaut le détour. On y retournera demain matin ?, déclara Bob avec une énergie renouvelée.

  Enfin, après des heures de marche, le groupe atteignit la mer.

  L’endroit était magnifique. Une longue plage de sable blanc s’étendait à perte de vue, bordée de basses dunes protégées par des ganivelles en bois. Les dunes étaient couvertes d’oyats qui ondulaient doucement sous la brise marine. La mer émeraude scintillait sous le soleil, et de petites vagues venaient lécher le rivage.

  Mais le silence régnait. Aucun cri d’oiseaux, aucune mouette planant au-dessus des flots. Quant aux poissons, il était impossible de savoir s’ils peuplaient encore ces eaux.

  Non loin de la plage, une petite résidence de vacances se dressait, vide. Les volets étaient fermés, mais la structure semblait intacte. Des panneaux indiquaient des noms de chambres, des espaces communs, et une petite aire de jeux délaissée.

  ? On peut s’installer ici pour la nuit ?, proposa Alan.

  ? Chacun trouvera une petite chambre. Il y a même un système de récupération d’eau de pluie pour les douches. Mais il faudra rationner l’eau. ?

  Les membres de la patrouille explorèrent les lieux, chacun trouvant un espace pour se poser. Alan, quant à lui, se sentit attiré par une série de petites cabanes en bois alignées le long de la plage.

  La plupart étaient délabrées, leurs toitures effondrées, leurs fenêtres brisées. Mais l’une d’elles semblait en meilleur état, comme si quelqu’un l’avait récemment entretenue.

  Alan s’approcha prudemment, poussa la porte légèrement grin?ante, et pénétra à l’intérieur.

  La cabane était simple. Une pièce unique, avec des murs en bois brut. Un vieux lit aux montants en métal tr?nait dans un coin, dépourvu de matelas. Une petite table bancale était couverte de poussière, mais un cendrier ancien y reposait encore. Au mur, une lampe à huile pendait, semblant attendre d’être allumée.

  Dans un coin, plusieurs cannes à pêche étaient appuyées contre le mur, leurs fils emmêlés. Un panier en osier contenait quelques hame?ons et du fil de rechange. Alan observa les lieux en silence, imaginant l’ancien occupant de cette cabane.

  Il posa ses affaires sur le lit, jaugeant les améliorations nécessaires.

  ? ?a fera l’affaire ?, murmura-t-il pour lui-même.

  Lorsqu’il retourna à la résidence, Johnny l’accueillit avec un sourire malicieux.

  ? Alors, tu as trouvé ton palace ? ?

  Alan haussa les épaules. ? Une petite cabane sur la plage. Un peu rustique, mais ?a me convient. ?

  Johnny éclata de rire.

  ? Tu veux jouer les Robinson Crusoé ? ?

  Alan planta son regard dans celui de Johnny, sérieux.

  ? Non. Je pense qu’on doit faire une pause ici. Une journée complète de repos. Pour se retrouver. Pour profiter. ?

  Johnny cligna des yeux, surpris par la fermeté dans la voix d’Alan.

  ? Tu vas demander à Michel ? ?

  Alan hocha la tête. ? Oui. Et je vais insister. Parce que tout le monde en a besoin. ?

  Alan revint à la cabane.

  Un vieux balai reposait dans un coin sombre. Alan le saisit et, avec une détermination tranquille, se mit à nettoyer les lieux. Il balaya les débris accumulés, épousseta les meubles, et redonna un semblant d’ordre à l’espace. Le sol en bois brut reprit un peu de vie sous ses gestes méticuleux.

  Une fois le ménage terminé, il se rendit à la résidence principale et revint avec un matelas qu’il hissa sur le lit métallique. Il trouva également un oreiller, puis un deuxième. Là, il s’arrêta, un dilemme naissant dans son esprit.

  Devait-il prendre deux oreillers ?

  L’idée d’avoir une invitée lui traversa l’esprit. Mais était-ce présomptueux ? Prématuré ?

  Alan soupira et posa les deux oreillers sur le lit, un sourire amusé flottant sur ses lèvres.

  ? On verra bien. ?

  Puis il s’installa à la table bancale, saisissant l’une des cannes à pêche. Les fils emmêlés évoquaient des souvenirs d’enfance : des après-midi passés au bord des rivières, à tenter de démêler ces mêmes enchevêtrements.

  Il se concentra sur sa tache, ses doigts agiles progressant lentement à travers les n?uds et les torsions. Après plusieurs tentatives infructueuses, il parvint enfin à sauver une canne, son fil parfaitement déroulé.

  Un sourire satisfait éclaira son visage.

  Peu après, les autres membres du groupe arrivèrent au campement. Alan intercepta Michel et le prit à part.

  ? J’ai réfléchi ?, commen?a Alan. ? On a besoin d’une pause. Une journée complète ici. Pour se reposer, pour se détendre, pour se conna?tre mieux. ?

  Michel haussa un sourcil. ? Une journée de perdue sur notre route ? ?

  Alan hocha la tête avec fermeté. ? Oui. Mais on gagnera bien plus en repos et en moral. Une rupture dans le quotidien, ?a peut tout changer. ?

  Michel l’écouta attentivement, pesant les arguments.

  ? Tu sais quoi ? Tu as peut-être raison. Je vais en parler aux autres. ?

  Alan acquies?a et s’éloigna vers la cabane. Il prit la canne à pêche qu’il avait réparée et se dirigea vers une petite estacade qui s’avan?ait dans la mer.

  Il s’assit au bout de l’estacade, laissant ses jambes pendre au-dessus de l’eau. Il lan?a la ligne dans l’eau émeraude, sans appat.

  Il n’espérait pas attraper de poisson.

  C’était le geste qui comptait.

  Là, seul face à la mer, il laissa ses pensées vagabonder, porté par le doux clapotis des vagues contre les piliers de bois. Le silence, pour une fois, était réconfortant.

  Du bout de l’estacade, Alan aper?ut au loin la patrouille menée par Jennel qui revenait vers le campement. Il distingua les silhouettes, et plus particulièrement celle de Jennel qui avan?ait d’un pas vif.

  Un rassemblement s’organisa autour de Michel. Les membres du groupe discutaient, mais Alan n’entendait pas les mots. Il observa avec attention, curieux de la tournure des événements.

  Puis il vit Jennel se détacher du groupe et courir vers lui.

  Elle portait un petit haut blanc en partie fait de dentelle, laissant entrevoir ses épaules, et une jupe longue aux nuances d’orange et de jaune qui dansait autour d’elle à chaque pas. Le contraste avec la lumière éclatante de la mer était saisissant.

  Alan détourna légèrement le regard, feignant de ne pas la voir. Il sentit pourtant son c?ur s’accélérer.

  Jennel n’était pas dupe. Elle ralentit en approchant, essoufflée mais radieuse.

  ? Tu nous as fait gagner un jour de vacances ! ? lan?a-t-elle, un large sourire illuminant son visage.

  Alan haussa les épaules, prenant un air modeste.

  ? ?a ne me semblait pas une mauvaise idée. ?

  Jennel le fixa avec amusement. ? Tu pêches ? ?

  Alan désigna la canne plantée devant lui. ? En fait, il n’y a pas d’appat. ?

  Jennel éclata de rire, un éclat cristallin qui tinta dans le silence environnant.

  ? Tu es fou ! ?

  Alan la regarda dans les yeux, un sourire doux se dessinant sur ses lèvres.

  ? De toi. ?

  Sans un mot de plus, Jennel s’approcha, passa ses bras autour de lui et l’embrassa longuement. Alan sentit tout son être se détendre sous ce geste, le monde autour d’eux s’évanouissant un instant.

  Des appels retentirent depuis la plage, ramenant la réalité à leurs oreilles.

  Jennel et Alan se relevèrent lentement. Sans se lacher, ils entrelacèrent leurs doigts et se dirigèrent vers la plage.

  Mais Alan sentit une légère hésitation de la jeune femme lorsqu’ils marchèrent dans le sable à proximité de la cabane.

  Il tourna la tête vers elle, cherchant une explication. Elle baissa les yeux un instant, puis releva son regard, croisant le sien.

  Alan serra doucement sa main.

  Il n’y avait aucune inquiétude dans ses yeux. Juste une certitude tranquille.

  Alan quittait Michel après leur discussion sur la sécurité du campement. Il lui avait assuré qu’il n’y avait aucun intrus à proximité, que tout était calme. Mais rien de la part de Michel sur le lendemain : il avait pris acte.

  L’ambiance générale, pourtant, était à la détente. Physique comme morale. Les membres du groupe profitaient de l’air marin, d’un rare sentiment de paix. Rose, en particulier, s’affairait à organiser son expédition au supermarché pour le lendemain matin. Elle réquisitionnait presque tout le monde avec un enthousiasme communicatif.

  ? On ramènera tout ce qu’on pourra. Et l’après-midi, il faudra des gateaux ! ? lan?a-t-elle, des étincelles dans les yeux. ? Si on trouve de quoi les faire, bien s?r ! ?

  La simple idée de douceurs sucrées sembla raviver un peu plus l’énergie du groupe. Johnny plaisanta sur ses talents supposés de patissier, déclenchant quelques rires autour de lui.

  Puis il fut question de musique.

  José, un homme discret jusque-là, rappela qu’il avait une guitare avec lui. Il la sortit de son sac, légèrement usée mais encore parfaitement accordée. Il effleura les cordes, produisant un son mélodieux qui attira l’attention de tous.

  ? Alors, des volontaires pour chanter ? ? demanda-t-il avec un sourire encourageant.

  Le silence qui suivit fut éloquent.

  Jennel se tourna vers Alan, un sourire malicieux au coin des lèvres.

  ? Tu veux chanter ? ? demanda-t-elle, ses yeux pétillant de défi.

  Alan recula d’un pas, les mains levées comme pour se défendre.

  ? Oh non. Certainement pas. ?

  Jennel éclata de rire devant sa réaction presque catastrophée.

  C’est alors que Rose, toujours prête à animer l’atmosphère, intervint avec son exubérance habituelle.

  ? Nous avons une vraie chanteuse parmi nous ! Une soliste de chorale ! ?

  Son regard se fixa sur Jennel.

  Elle tenta aussit?t de dispara?tre derrière Alan, le rouge lui montant aux joues.

  ? Jennel ! ? s’exclama Rose avec enthousiasme. ? Une petite chanson demain ? S’il te pla?t ! ?

  Jennel, visiblement gênée, se cacha contre Alan, qui posa instinctivement une main protectrice sur son épaule.

  Elle murmura, à peine audible :

  ? On verra. ?

  Alan sentit son c?ur s’adoucir face à cette scène. Jennel, toujours forte et déterminée, laissait entrevoir une facette plus vulnérable d’elle-même.

  Le moment fut court, mais précieux.

  La soirée s’étira tard dans la nuit. Ils se couchèrent les uns après les autres, les rires et les murmures s’estompant peu à peu. Jennel trouva refuge dans une des chambres de la résidence, un vrai lit pour la première fois depuis des semaines. Alan, quant à lui, regagna son cabanon, appréciant la solitude relative qu’il offrait.

  Allongé sur le matelas qu’il avait transféré de la résidence, il ferma les yeux, bercé par le bruit régulier du ressac. Son esprit vagabonda, et il s’imagina un instant dans une villa au bord de la mer. Mais l’image idéale s’effa?a rapidement lorsqu’il se rappela qu’il était seul.

  ? On verra ?, murmura-t-il de nouveau pour lui-même.

  Le sommeil ne vint qu’au milieu de la nuit, lorsqu’il cessa enfin de ressasser ses pensées.

  Le lendemain matin, pourtant, pas de grasse matinée.

  Rose, debout aux aurores, avait déjà commencé à organiser son expédition au supermarché. Elle rassemblait ses équipes, déterminée à maximiser les allers-retours pour rapporter le plus de provisions possible.

  ? On ne sait pas quand on aura une telle opportunité à nouveau ! ? proclamait-elle en passant d’un groupe à l’autre, une liste à la main. ? On ramène tout ce qui peut se conserver, et cet après-midi, on cuisine ! ?

  Alan, à peine éveillé, rejoignit le groupe principal. Il chercha Jennel du regard, mais elle était déjà occupée à charger des sacs et des paniers sur un vieux chariot.

  Pas le temps d’être ensemble.

  Rose était intraitable, donnant des ordres avec une autorité naturelle.

  Jennel croisa brièvement le regard d’Alan et lui adressa un sourire léger, mais elle repartit aussit?t, embarquée par l’énergie débordante de Rose.

  Alan soupira, amusé par la situation. Il aurait aimé passer du temps avec Jennel, mais il savait que cette matinée serait dédiée à une autre forme de collaboration : l’approvisionnement.

  L’après-midi se déroula sous le signe de la détente, comme l’avait promis Rose. La récolte du matin au supermarché avait été fructueuse, et l’idée de gateaux pour tout le monde devint une priorité absolue.

  Rose, toujours pleine d’énergie, organisa un atelier de patisserie improvisé. Avec les moyens du bord et sans électricité, ils se débrouillèrent pour préparer plusieurs douceurs.

  Mais les difficultés furent nombreuses.

  La préparation des galettes de ma?s dorées à la poêle commen?a par une mauvaise surprise : une des poêles récupérées au supermarché était percée. Il fallut bricoler un support avec des pierres plates chauffées sur le feu, ce qui ralentit considérablement la cuisson.

  ? ?a va prendre des heures si on continue comme ?a ?, grogna Johnny en remuant la pate.

  Rose, imperturbable, répondit avec un sourire :

  ? Patience, mon grand. Le résultat en vaut la peine. ?

  Les biscuits sablés, eux, nécessitèrent plusieurs essais avant d’obtenir une pate qui ne collait pas aux doigts. Alan, observant de loin, se surprit à sourire en voyant Jennel lutter avec un rouleau à patisserie improvisé, utilisant une bouteille vide.

  ? C’est bon, tu veux un marteau aussi ? ? lan?a-t-il en plaisantant.

  Jennel lui tira la langue, amusée.

  Le clou de l’après-midi fut la tentative de faire une tarte aux fruits secs. Mais les dattes et les noix trouvées au supermarché étaient collantes et difficiles à manipuler.

  ? C’est quoi ce truc ? ? s’exclama José en tenant une poignée de dattes qui semblaient s’être fusionnées.

  ? De la super glue naturelle ?, plaisanta Johnny, ce qui fit rire tout le monde.

  Une fois les douceurs prêtes et go?tées, l’après-midi continua avec des activités plus ludiques.

  Une partie de football s’organisa sur la plage, les équipes improvisées mêlant hommes et femmes. La partie fut chaotique, marquée par les rires et les chutes spectaculaires.

  ? Johnny, arrête de jouer le bulldozer ! ? cria Rose après que le colosse ait envoyé Yann au tapis.

  Le match de volley qui suivit fut encore plus animé. Les filles, menées par Rose et Jennel, battirent les gar?ons à plate couture.

  ? On ne les reverra plus jamais, leur fierté est enterrée quelque part dans le sable ?, plaisanta Jennel en tapant dans les mains de ses coéquipières.

  Une tentative de faire voler un cerf-volant fabriqué avec des sacs en plastique échoua lamentablement.

  ? Je crois qu’il est plus apte à pêcher qu’à voler ?, observa Alan en regardant le cerf-volant s’écraser une énième fois dans le sable.

  Johnny, fidèle à lui-même, termina la journée avec une plongée forcée.

  ? Allez, à l’eau ! ? cria Rose en poussant Johnny dans les vagues.

  Il ressortit trempé mais hilare, secouant ses cheveux comme un chien mouillé.

  Beaucoup profitèrent d’un bain de mer, d’autres des bienfaits du soleil sur la plage.

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